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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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un escalier superposait ses degrés argentés. Plus ils s’élèveraient là-dessus, plus ils apparaîtraient à la lumière.
    – Êtes-vous prêt à me porter encore ?
    – Oui.
    – Cet escalier est d’une étroitesse !… Un faux pas et nous tombons.
    D’une main, Ogier chassa sur son front les titillations de la sueur. Calveley en fit autant. Ils se sourirent.
    – Allons-y, l’ami, dit l’Anglais. Nous ne tomberons pas !
    Et gémissant parfois sous son fardeau, il gravit les marches pour s’arrêter, stupéfait, à leur sommet, devant le vide espéré, mais déconcertant, d’un court chemin de ronde. Les merlons mordaient dans le ciel où quelques nuages essuyaient l’ovale de la lune. En bas, l’Anglin semblait un léger trait d’argent. Sur ses berges, les arbres formaient une cohue noire et comme attentive.
    – Nous ne pouvons deviner ce qu’il y a en dessous.
    Le rocher gris et luisant paraissait uniforme ; ils le savaient crevassé, bourrelé de gibbosités, hérissé de ronces et d’arbrisseaux. Calveley, penché sur l’abîme, fit quelques pas, puis se releva. Les pieds d’Ogier touchèrent le pavement. Il gémit.
    – La chaîne, dit l’Anglais. Cet endroit me paraît favorable.
    En un tournemain, il noua les anneaux à la base d’un merlon ; il en renforça le nœud à l’aide de la corde dont il lança l’extrémité dans le vide.
    – Il me faut descendre le premier.
    – Je sais, dit Ogier.
    – N’ayez crainte : je vous attendrai et vous aiderai.
    – Je n’en ai jamais douté.
    – J’ai cru voir un arbre, près de cette paroi. Si c’est vrai, essayez de vous y soutenir pendant la descente… Que Dieu vous protège !
    – Qu’il vous protège également.
    La corde se tendit ; l’ombre de Calveley disparut. Ogier s’assit sur le rebord du crénelage et pivota. Les jambes dans le vide – sensation douce, réconfortante –, il entendit un choc, un juron. Il se pencha et ne vit rien, mais une voix, d’en bas, lui enjoignit :
    – À vous !
    Il saisit la corde et se laissa glisser le dos au mur. Sans qu’il l’eût voulu, ce furent son ventre, ses coudes, ses genoux qui, ensuite, raclèrent les pierres. Il allait lentement, lâchant une main, trouvant une prise, se reculant du mur, parfois, de la pointe de sa jambe valide. Bientôt, baissant sa dextre pour saisir le chanvre, il ne trouva rien. L’angoisse le lesta d’un poids insupportable, mais la voix de Calveley ordonna :
    – Tournez-vous et saisissez la branche.
    Il y en avait bien une, solide ; Ogier l’attrapa et demeura suspendu entre l’arbre et la corde.
    « Je vais me tuer », pensa-t-il. « Je n’en peux plus ! »
    – Vous êtes une toise au-dessus de moi. La branche est aussi flexible qu’un arc. Vous allez lâcher la corde, saisir la branche à pleines mains et ployer vos jambes de façon à toucher le rocher le moins possible, car je suis adossé au mur et vais vous empoigner au passage.
    – Je lâche, dit Ogier sans plus tergiverser.
    La branche fléchit ; il s’engloutit dans l’ombre, se sentit attrapé par les hanches, se reçut assez bien mais entraîna son compagnon sur une pente où les aspérités, les racines, les ronces lacérèrent leurs vêtements et leurs chairs.
    Ogier grogna de douleur, de désespoir et d’effroi : c’était pire que ce qu’il avait imaginé : une cataracte de ciel, de griffes, de piquants, de pierre et de souffrances féroces. Jamais, après cette plongée, il ne recouvrerait l’usage de sa jambe !
    Enfin, le supplice cessa : Calveley s’était accroché quelque part. Ogier constata que l’Anglais avait fait en sorte de se glisser en partie sous lui pour tenter d’amortir les heurts.
    – Êtes-vous bien, Ogier ? Votre nom est Ogier, n’est-ce pas ? Le mien est Hugues…
    – Bien, Hugues, c’est beaucoup dire…
    Immobiles, haletants, épuisés, ils attendirent que leur tumulte s’apaisât. Puis l’Anglais se leva, regarda devant eux :
    – Nous sommes couverts par les arbres. La rivière semble être à deux cents pas, mais d’un accès difficile. Je vais vous y mener aussi doucement que je le pourrai… Savez-vous nœr (214)  ?
    – Oui.
    – Pas moi.
    – Eh bien, je vous aiderai !
    – Que voulez-vous faire ?
    – Suivre le courant, découvrir un endroit pour nous mettre à l’abri tout un jour puis, à la nuit tombée, trouver le chemin de Chauvigny… Il y passera bien une carriole… Nous

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