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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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plaisir.
    – Rengainez votre lame, Calveley. Ce doit être la première fois qu’ils voient des captifs remonter vivants !… Nous devons mettre à profit leur ébahissement… Le mâle est moins hardi…
    Le chien s’était pourtant approché ; il grognait toujours à petits coups. Pensant qu’il voulait être également flatté, Ogier tendit sa main. La bête jappa, montra ses crocs.
    – Merdaille !… Il va vouloir nous couper le chemin… Vous allez procéder comme je vous le dis… Prenez ces restes de viande, dans la bassine, et partez doucement les jeter au bas de l’escalier d’où nous sortons.
    Les veautres, la queue battante, suivirent l’Anglais et se précipitèrent sur la pitance. La porte claqua aussitôt.
    – Eh bien, deux routiers ne m’auraient pas plus angoissé que ces deux-là !
    – Avec les chiens, c’est comme avec les femmes : il faut de la douceur, de la patience, de l’espoir et parfois de l’hypocrisie !
    Un rire silencieux secoua les compères. Tout leur paraissait simple. L’Anglais saisit un quignon de pain et, en trois bouchées, l’avala. Ogier en fit autant. Négligeant le Christ enveloppé d’ombre, sur son mur, il désigna le râtelier d’armes aux luisances furtives :
    – Allez voir si par là vous ne trouvez pas quelque bonne longueur de corde.
    Calveley obéit, fouilla. Ogier entendit des cliquetis, des soupirs, puis un «  Ah  ! » satisfait :
    – J’ai trouvé deux aunes de petite chaîne.
    – Nous les joindrons à notre chanvre !… Donnez…
    Ogier se ceignit de ce fer, bien qu’il sût qu’il agissait d’une manière absurde : en accroissant son poids, il allait aggraver ses souffrances.
    – Portez-moi jusqu’au seuil… Oh ! là là, c’est plus dur que je ne l’aurais cru… Mais soyez quiet, l’ami, je tiendrai…
    Il en était déjà à l’amitié !
    Ployant sous sa charge, l’Anglais marcha vers la haute porte, qu’il entrebâilla. La nuit, la vraie, apparut comme une brusque éruption grise constellée d’or. Loin dans la cour, un feu brillait. Tout était si paisible qu’ils en reculèrent. C’était impossible, impossible à en couper le souffle.
    – On va nous voir.
    – Qui sait ? En descendant ces marches soutenez-moi par le flanc, comme si j’étais ivre… Avec ce manteau, on peut, de loin, me prendre pour Leignes… Oyez comme ils chantent… Ils sont pleins comme des barils.
    – Si quelqu’un traverse cette cour…
    – Nous ne pouvons pas reculer, Calveley !
    Ils descendirent clopin-clopant le perron et se hâtèrent autant qu’ils le pouvaient vers les murailles en surplomb sur l’Anglin. Et soudain le sursaut de l’horreur recouvrée incita Ogier à pincer l’épaule de son compagnon, qui s’arrêta net : une forme lourdaude, bien reconnaissable, allait et venait devant l’entrée de la forteresse.
    – Bastien !… On dirait qu’il attend quelqu’un.
    Un froid glacial enveloppa les fuyards, mais l’ombre calamiteuse continua ses va-et-vient, indifférente à ce qui n’était pas la petite lumière de la salle de garde d’où sortaient les chants et les miaulements de la vielle.
    – Pressez-vous, Calveley… Vite à ce coin d’ombre, là-bas ! Et courbez-vous ! Votre grandeur nous est nuisible !
    L’angoisse des deux compagnons s’amollit ; leur progression vers les hauts murs redevint un malaise à peine plus aigu que lors de leur sortie du donjon.
    – Les murailles doivent être dégarnies du côté de la rivière. Avez-vous bien mal ?
    – Hélas !… Je vous pèse…
    – Nullement ! Ce soir je vaincrais Hercule !
    – Cette chaîne nous sera fort utile : vous en ceindrez un merlon…
    –… et j’y nouerai la corde. Sans elle, nous nous serions écrasés en bas ; avec elle, nous pourrons peut-être éviter, moi de me briser un membre et vous de vous en rompre un second !
    – Voyez à quoi tiennent les bonnes fortunes : Oyré vous destinait tout ce chanvre… Pourvu que sa longueur soit suffisante !
    Disant cela, Ogier sentit grandir au fond de lui-même l’assurance de nouvelles souffrances. Il se vit tombant, glissant sur le rocher, heurtant des troncs… Peut-être allait-il se briser l’autre jambe. Si secourable et loyal qu’il fût, l’Anglais serait contraint de l’abandonner.
    Ainsi, l’esprit occupé des événements à venir, le blessé atteignit le mur d’enceinte. L’ombre se vautrait à sa base, puissamment noire. À gauche,

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