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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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palliatif…
    Quelque peu contrarié de cette interruption, Ogier demanda :
    – Tu es Normand, mais de quel lieu ?
    – Chiffrevast… Je suis Jean Lemosquet, sergent du sire de Chiffrevast.
    – Raconte !
    Torse nu, le messager frissonnait. La vieille Odile, à laquelle Ogier n’avait jamais pu soutirer un mot, un sourire, lui tendit un hanap de grenache qu’il but avidement. Et lorsqu’il eut séché ses lèvres d’un revers de main :
    – Le douze de ce mois, on est allé chasser en forêt de Rabey, près de Quettehou…
    –… et de Morsalines.
    – Vous connaissez bien !
    Ogier approuva, sans plus : cet homme avait sûrement entendu parler des Argouges. Après qu’il eut grogné sous l’aiguille, sans essayer de s’y dérober, il vida un second hanap et reprit d’une voix plus molle, soupirante :
    – Nous étions partis quiétement vers la mi-nuit, notre seigneur Nicolas, quatre compagnons et moi… À l’aube, nous avons décidé d’aller vider un gobelet à Quettehou. En chemin, un huron qui guerpissait nous a dit de nous en retourner car il venait de voir des centaines de nefs aux voiles et bannières portant les lis et les léopards… En fait, ces vaisseaux étaient bien cinq cents (228)  !
    Ogier serra les poings : sa hantise était devenue réalité.
    Des gouttes roulaient sur le front du messager ; un instant penché en avant sous le poids des souvenirs et le feu accru de sa blessure, il se redressa et poursuivit :
    – Tandis que messire Nicolas et les hommes partaient en tous sens, les uns pour prévenir Robert Bertrand de Bricquebec à Saint-Sauveur…
    – Quoi ?… Le chevalier au Vert Lion s’était établi au château de Godefroy d’Harcourt ?
    – Hé oui… Il vivait là ainsi qu’un millier d’hommes.
    Ogier ravala son indignation : Bricquebec dans les meubles et peut-être dans la chambre du Boiteux !
    – Continue.
    – Adonques, tandis que Nicolas de Chiffrevast regagnait son châtelet en hurlant « À l’arme ! À l’arme ! » je me suis approché du rivage et j’ai vu… J’ai vu à en trembler d’effroi…
    Jean Lemosquet grimaça tant pour ces souvenirs ulcérants que pour la fraîcheur du dulcifiant appliqué sur sa plaie.
    – Des milliers et des milliers d’hommes ; des nefs bourrées d’archers et de vitailles… Des huissiers (229) par centaines dégorgeant leurs chevaux sur la plage… Et Édouard !… Ah ! je l’ai vu… Il est venu, certes, pour nous combattre, mais aussi pour chasser et pêcher tout son soûl (230) . Ah ! là là, si vous voyiez sa meute…
    – Que s’est-il passé ? demanda Ogier que ces détails affligeaient.
    Le sergent croisa les bras et de nouveau courba l’échine :
    – Une grande ahatie (231)  ! Robert Bertrand est accouru avec trois cents hommes… C’était livrer bataille à un contre cent…
    Bien qu’il n’eût plus la moindre déférence envers cet homme, Ogier l’admira tout de même.
    – Harcourt était-il là ? Se sont-ils affrontés ?
    – Je ne saurais vous répondre… Ce que je sais, c’est que messire Bertrand a été durement touché, qu’il a pu fuir avec trente hommes, dont j’étais, et qu’il n’avait plus qu’une idée : galoper vers Paris pour prévenir Philippe !… Mais il a dû y renoncer… Ah ! là là… Nous avons pris quelques Goddons. Ils nous ont dit qu’ils avaient quitté l’île de Wight la veille ; que quelques jours avant, Harcourt avait repris Guernesey avec son compère, Renaud de Cobham… après que Nicolas Hélie eut défendu le Château-Cornet avec forcennerie… Nous avons appris également que sitôt qu’ils eurent mis les pieds sur notre sol, Édouard a armé son fils, le duc de Woodstock, prince de Galles, chevalier, ainsi que moult jouvenceaux de la noblesse anglaise.
    Que faire ? Que dire ? Rien. S’informer :
    – Quelles sont nos défenses ? Nos côtes sont-elles protégées ?
    – Fort bien !… Godemar du Fay est chargé de leur défense de Barfleur à Calais. Raoul, comte d’Eu et de Guînes, est lieutenant du roi pour Harfleur et Caen… Il a pour compagnons le comte de Flandre, Jean de Sancerre, le sire de Tancarville et Baudouin de Bouvelinghem…
    Guînes, Tancarville et du Fay. Que pourraient ces piteux contre des chevaliers décidés et habiles, et des archers sans pareils ?
    « Bon sang, je savais tout ce qui arrive… Maudit Oyré ! Maudit Blainville !… Qu’a fait Thierry ? S’il a pu

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