Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
particulière raison.
    « Ils veulent marier leur fille à un seigneur puissant et riche parce que leurs coffres sont vides ou près de l’être ! »
    Pourquoi Blandine ne leur ressemblait-elle point ?… Elle l’aimait lui, Ogier ; elle l’attendrait et venait de le lui dire, mais tout autour de cette douceur, de cette confiance, il sentait de ténébreuses turbulences, des difficultés et tourments contre lesquels cette jeunette lui semblait désarmée. Sans doute ses pensées avaient-elles été pareilles aux siennes, car une larme brillait entre ses cils.
    – Non, non, ne pleure pas, ma bien-aimée, dit-il en caressant furtivement l’épaule de la pucelle. Je reviendrai. Crois en moi !
    Ils se sourirent. Dans un clocher voisin, une campane se mit à battre lentement, et chaque coup assené sur le bronze résonna tel un glas dans le cœur du garçon.
    – Je serai tienne ou je mourrai.
    Ayant dit cela, Blandine disparut (237) .
    Ogier fit un pas vers son cheval, puis se détourna. De cette entrevue, il ne subsistait rien ; rien sinon dans sa bouche une amertume affreuse.
    Il flatta l’encolure du Blanchet, monta en selle et passa devant l’hôtel Berland. Aucune ombre n’en vint animer les vitraux.
    Il franchit une porte où les archers du guet insultaient un mendiant tout en lui bottant les fesses.
    – Va-t’en !
    – Je suis vieux et malade…
    – Tu n’es qu’un sabouleux (238)  ! Va baver ailleurs !
    « Ailleurs » soupira Ogier.
    Le soleil n’était plus si chaud, le ciel si bleu, le Poitou si agréable. Et plus il s’éloignait de Blandine, plus son image s’imposait à lui ; plus elle devenait réelle, présente, et d’une densité tellement charnelle qu’il se surprit à lui parler. Alors, il se traita de fou jusqu’à ce qu’il eût souvenance des propos d’Arnaud Clergue. Peu avant son départ de Rechignac, le chapelain lui avait dit : «  Tu trouveras peut-être plus tôt que tu ne le crois la fille de ta vie. Elle exercera sur toi une telle attraction que tu oublieras les autres. Un même désir vous assoiffera et la plaie que tu sentiras en ton cœur, en sa présence aussi bien que loin d’elle, te révélera ton amour… Elle sera ta joie et ton souci… » Clergue ! Le voilà qui pensait à Clergue, maintenant ! À Clergue qui ne connaissait rien de l’amour…
    « Et moi ? »
    Comme il se sentait seul ! Il avait besoin de parler à cœur ouvert avec quelqu’un. Il était avide d’être rassuré, de se pénétrer d’une évidence joyeuse : « Elle t’aime ! » Où était Thierry ? Aimait-il Aude aussi fort qu’il aimait, lui, Blandine ?
    Le chemin, au loin, s’effilait pour s’engager entre deux collines. Ogier se pencha et caressant la crinière de son cheval :
    – Allons, compagnon… Épargnons-nous les grosses lassitudes, mais faisons en sorte de parvenir aussi vélocement que possible auprès du roi !

QUATRIÈME PARTIE

L’INFORTUNÉ ROI DE FRANCE

I
    – Corbleu ! jura Ogier. Nous devrions enfin les rejoindre. Il est grand temps, d’ailleurs, que je m’arrête un peu : j’ai le potron et les reins rompus… Pas vous ?
    Son compagnon n’émit qu’un grognement. Engoncé dans son tabard gris et ses mailles, le regard sondant les ténèbres, sans doute souffrait-il, lui aussi.
    Perdant un moment l’étrier gauche afin de soulager sa jambe fatiguée, Ogier pensa qu’il chevauchait depuis presque deux semaines. Sans que jamais son Blanchet regimbât, il avait mis sept jours pour atteindre Paris, couvrant huit lieues le matin, quatre ou cinq l’après-midi et prenant, grâce aux écus de Benoît Sirvin, du repos dans des hôtelleries convenables. Une fois rendu, il avait appris sans émoi qu’après avoir convoqué l’ost dès l’invasion de la Normandie, le roi avait vu accourir ses vassaux : une si grand-foison de barons, chevaliers, écuyers et piétaille que pour qu’ils pussent chevaucher et marcher aisément dans les rues avec leurs lances, vouges, guisarmes, corsesques et autres armes d’hast (239) , il avait ordonné d’abattre les appentis et de desceller les enseignes. Avant même la fin de cet immense ralliement évalué par certains à cinquante mille hommes, par d’autres à davantage, Philippe VI et sa suite innombrable s’étaient rendus à Saint-Denis pour y prendre l’oriflamme ; Saint-Denis où les attendaient, entourés de leurs féaux et piétons, Jean de Luxembourg, roi de Bohême ; Jean

Weitere Kostenlose Bücher