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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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mauvaisement sur vous… On a voulu me marier en hâte.
    Les démons ! N’eût été l’endroit, il serait tombé à genoux devant elle pour la supplier de lui garder son cœur. Il ne put que demander :
    – Avec Aimery de Rochechouart ?
    La Normandie brûlée, ensanglantée ; la guerre avec les Anglais ; la vengeance contre Blainville et ses malfaisants, tout cela s’envolait de son esprit dans lequel demeurait, seule, cette chose énorme, inadmissible et elle aussi impardonnable : les Berland voulaient marier leur pucelle.
    – Qu’importe son nom, Ogier !
    Blandine joignit ses mains, suppliante.
    – Revenez-moi vite !… Je crois pouvoir lutter… vous attendre six mois… un an…
    Il était décidé à revenir avant ! Il murmura, en touchotant les petites mains qui ne s’étaient pas désunies :
    – J’ai peur pour vous… D’un mariage avec un autre que moi, certes, mais plus encore des Goddons. Il se peut qu’ils envahissent le Poitou ces jours-ci… Ils se répandent en Normandie…
    La tête lui tournait. Après cette claustration de trois mois où il n’avait pourtant manqué de rien, il se sentait faible, incapable encore de défendre sa vie et, à plus forte raison, de protéger celle de Blandine. Et le fait d’y penser le rendait malheureux.
    – Je sais, Ogier… J’ai peur d’eux également… C’est que je n’ai pas votre hardiesse !
    Il protesta tout en admirant ce corps pur, épanoui. Plutôt que d’habiter cette maison aux allures arrogantes, Blandine eût dû vivre dans un des châteaux merveilleux qui, çà et là, figuraient sur les enluminures des grands livres : des murs d’ivoire, des tours d’une blancheur de lis, pareilles à des cierges de pierre dont les éteignoirs d’ardoise bleuissaient au soleil ; des colombes sur le rebord des fenêtres, et des jardins verdoyants où chantaient des trouvères tandis que des dames et des hommes dansaient…
    – Ayez confiance, mon aimée… En moi et en Dieu… En Lui avant moi…
    Sa peur devenant de l’angoisse, Ogier ajouta :
    – Il vous faut convaincre vos parents d’aller à Chauvigny… Les Goddons cerneront Poitiers… Les enfants et les femmes…
    Non ! Il ne pouvait en dire davantage. Il ne pouvait imaginer Blandine violée par une meute de malandrins conduite par Raoul de Cahors !
    – Si par malheur ces démons allaient entrer dans Chauvigny, courez chez Sirvin. Il vous accordera aide et protection. Il sait que je tiens à votre vie plus encore qu’à la mienne.
    Il était loin des propos imaginés en chemin ; loin des longues phrases ; mais leurs regards s’accrochaient l’un à l’autre, et la confiance et la tendresse animaient le teint de Blandine ; et désespérément, il regardait cette bouche pure qu’il ne pourrait baiser, ces sourcils froncés – sur quelles images ? – ; et soudain, les mains de la jouvencelle se séparèrent ; elle tira de sous sa collerette le collier qu’il lui avait offert le soir du Vœu du Faisan.
    – Ils ont voulu que je le quitte. Je le porte nuit et jour sans qu’ils le devinent.
    Deux larmes brillèrent sur ses joues ; deux larmes qu’Ogier regretta de ne pouvoir boire.
    Il eut encore envie de lui prendre un baiser ; il ne l’osa.
    – Chevauchez sans nulle crainte, Ogier. Nul autre que vous…
    Elle s’interrompit et demanda, avec une moue enfantine :
    – Où partez-vous ?
    – Auprès du roi.
    – Qu’allez-vous faire ?
    – La guerre.
    Blandine tira de son médius un anneau à chaton plat, gravé sans doute aux armes de sa famille.
    – Portez-le, Ogier, par amour de moi.
    L’anneau s’adaptait à l’annulaire du garçon. Il le baisa dévotement.
    – Quand vos parents s’apercevront…
    – Je leur dirai que je l’ai perdu.
    Des voix retentirent dans la cour. Le cheval invisible ruait ; des serviteurs tentaient de le maîtriser.
    – Hélas ! mon cœur, je ne puis m’attarder…
    Il avait voulu la rencontrer pour s’en aller gaiement. En même temps qu’il emplissait son esprit de la pureté, de la beauté de Blandine, il le lestait d’un fardeau terrible.
    – Je t’aime…
    – Je t’aime, Ogier.
    Qu’ajouter à ces mots-là ? Rien, puisque rien, autour d’eux, ne concourait à les conforter. L’ombre même de l’hôtel tombait sur leurs épaules, froide comme le dédain de Berland et de son épouse envers un chevalier qui, même avant le scandale du tournoi de Chauvigny, les irritait sans

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