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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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chacun ses pensées, jusqu’à ce qu’Ogier supposât :
    – Avant-hier peut-être… Il nous faut traverser la Seine maintenant et songer à les venger !
    Il se pencha pour écouter le vent et les bruits de la nuit. Rien. Mais quels cris abominables avaient dû retentir sous ces voûtes !… Quels rires aussi. Et Dieu dont il distinguait maintenant le doigt sur un vitrail, n’avait ni bronché ni bougé !… Son Fils était resté fixé à ses quatre clous, insensible, avant d’être à son tour profané !
    – Aussi vrai que je m’appelle…
    Ogier s’interrompit. Confronté à tant d’horribleté, il ne pouvait ni jurer ni prier. Sur les dalles, son pas résonnait sèchement. Ses mollets, serrés dans des houseaux de cuir neuf, lui faisaient mal, et pourtant, il eût couru des lieues pour saisir au collet un de ces hideux !
    Il franchit le seuil de l’église. En face, sous l’arbre effrayant, les chiens avaient repris leur veillée tandis que tout près, les deux chevaux frémissaient et frappaient du sabot.
    – Approchons-nous de la Seine et franchissons-la en quelque endroit que ce soit.
    Bientôt, nus, les deux compagnons s’engagèrent dans le fleuve. La lune, en se reflétant sur l’eau murmurante, créait une lumière tremblée dont ils profitèrent, encourageant leur cheval et surveillant le harnois attaché à sa selle.
    Ils abordèrent dans des aulnes et aperçurent une sente en haut de laquelle ils se rhabillèrent. Autant qu’Ogier pût en juger par la position des étoiles, ils allaient bien vers le Nord.
    – Voyez cette forêt… Il faut la traverser…
    Ils s’engagèrent sous les arbres, trouvèrent un chemin. Le Moyne de Bâle grogna une fois de plus car les cailloux, nombreux, aggravaient le clapotement des sabots.
    – Sangdieu ! dit-il, ces bêtes révèlent notre présence.
    Ogier s’apprêtait à l’approuver quand, jaillissant des fourrés, une vingtaine d’hommes brandissant des épieux et des vouges les entourèrent.
    – Qui va là ? dit l’un d’eux. Arrêtez, au nom du roi de France !
    Tous étaient coiffés d’aumusses et de chaperons : sous la lune, la brillance d’un chapeau de fer eût révélé leur présence.
    – Holà, les hutins, dit le Moyne de Bâle en immobilisant son cheval, je suis des vôtres et mon compère aussi. J’appartiens au roi de Bohême !
    Il y eut des rires et l’un des hommes haussa la voix :
    – Tiens ! Tiens !… Hélas ! pour toi, l’ami, Jean l’Aveugle est resté à Paris pour en assurer la défense.
    – Dame ! fit un gars à face de fouine, ça se comprend : sa fille, Bonne, qui s’y trouve, est l’épouse du duc Jean de Normandie.
    – Je sais, dit le Moyne de Bâle, paisiblement. Conduisez-moi auprès du fils de Jean l’Aveugle : Charles IV… Il me connaît ; il doit être auprès de votre roi…
    – Soit, dit un vougier, ton Charles, il est bien là… Et toi, sur ton cheval blanc, qui es-tu ?
    Ogier se pencha et, défiant l’homme :
    – Mon nom t’importe peu… Emmène-moi auprès de Charles de Valois, comte d’Alençon, s’il est dans le voisinage… Alors, tu verras bien quel sera son accueil !
    – Et comment, qu’il est dans le voisinage, Alençon !… À une demi-lieue, peut-être moins.
    – Adonques, menez-moi à lui.
    Ogier talonna son Blanchet.
    Une fois de plus les événements l’entraînaient. Vers qui, il le savait. Vers quoi, ensuite ? Il eût été bien sot de s’en soucier.
    Il soupira d’ennui : non seulement, il allait devoir succinctement raconter au frère du roi comment il s’était échappé du château d’Angle, mais encore, – bientôt sans doute –, il rencontrerait Blainville !
     
    *
     
    – Je ne croyais jamais vous revoir, Fenouillet !… Or, j’avoue que j’ai plaisir à vous retrouver vivant !… Quelle histoire !… J’ai flairé un gros mensonge quand Oyré en nous recevant, l’évêque, Blainville et moi, nous a dit que vous vous étiez noyé dans cette rivière dont le nom ne me revient plus… Laissant le prélat sur le seuil du donjon, nous avons tourné bride, fort courroucés d’avoir couvert toutes ces lieues pour rien… Et cette fille à laquelle vous deviez vos malheurs avait disparu, elle aussi !
    – Hélas ! monseigneur, soupira Ogier tandis que Charles de Valois contemplait, en dehors des draps, ses orteils. À Chauvigny, je n’aurai connu que la male chance.
    Il s’était borné à énarrer comment,

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