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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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de Hainaut, le duc de Lorraine, le comte de Flandre, le comte de Blois : la fine fleur de la Chevalerie. Et sauf le roi de Bohême, aveugle, tous étaient partis au-devant des Anglais.
    – Quand j’y pense, reprit Ogier, Paris m’a semblé une ville morte… ou presque. Apeurée au-dedans mais vaillante ô combien ! sur ses murailles moult garnies… Vaillante tant qu’aucun Goddon ne s’est montré !
    Il avait pris logis à l’Arbalète bleue, près de Saint-Germain l’Auxerrois. Le voyant entrer en haubert et coiffe de fer, l’hôtelier s’était moqué : « Pour vous battre, l’ami, vous arrivez bien tard !… Le roi et son ost descendent, à ce qu’on dit, la Seine à dextre ; les Goddons la remontent à senestre. Avec tant d’eau pour les séparer et aucun pont, je crois, pour la franchir, ils ne se rencontreront jamais !… Et vous, qu’allez-vous faire ? » Les rattraper, avait-il répondu. L’hôtelier avait ajouté qu’il s’était porté sur le passage du roi et lui avait crié : «  Ho, monseigneur, vous nous laissez à la merci de vos ennemis qui sont, dit-on, à deux lieues ! Gardez donc votre bonne ville ! » À quoi le souverain avait répondu : « Ma bonne gent, vous ne doutez de rien ! Jamais les Anglais n’approcheront d’aussi près, car je vais les combattre et les bouteculer ! » Les manants l’avaient acclamé.
    Irrité par le silence de son compagnon dont le cheval bronchait et s’ébrouait, Ogier continua :
    – Vous en souvient-il, compère ? Notre hôte de l’Arbalète m’avait demandé si je croyait que les Goddons viendraient jusqu’aux forbourgs de Paris. Or, voilà trois jours que nous cheminons sans en avoir vu un !
    Pendant qu’il hésitait entre deux réponses, l’une rassurante, l’autre inquiétante, un convive vêtu de cuir, abandonnant son écuelle, s’était permis de donner son avis. Lui, s’il avait été le roi de France, plutôt que de leur courir sus, il aurait attendu la venue des Anglais devant les murs de la cité pour les écraser à l’aide d’une artillerie composée d’onagres, de perrières, de balistes et de ribaudequins, le tout suivi d’une grosse sortie destinée à exterminer les survivants. L’orgueil d’Édouard, en effet, l’aurait poussé un jour ou l’autre à vouloir occuper le trône de son grand-père, Philippe le Bel, afin d’y recevoir l’ovation des malandrins liés à sa destinée, et peut-être aussi l’hommage de certains Parisiens. «  Croyez-moi : nous les aurions déconfits sans mal  », avait ajouté le chaland, «  tandis qu’à les chercher sur les rives de Seine, nous n’obtiendrons, me semble-t-il, que lassitudes et déconvenues, aussi vrai que mon nom est le Moyne de Bâle (240) sans que pourtant j’appartienne au clergé. » Cela dit, l’homme était reparti manger en invitant « le jeune au vieil haubert » à boire tout de même à la victoire de Philippe VI et de ses alliés.
    Bâle était un vassal du roi Jean de Bohême.
    « Depuis ce soir-là, nous chevauchons ensemble, ne sachant comment nous rejoindrons les batailles de France, puisqu’au sortir de cette grande ville, un manant nous a égarés du côté de Nanterre et engagés ainsi sur la rive senestre de la Seine : celle des Anglais ! »
    – Gaillon est au moins à six lieues derrière nous ; Rouen est sûrement droit devant, de l’autre côté du fleuve… Qu’en pensez-vous, le Moyne ?
    Bâle était brun, moustachu. Yeux sombres, bouche grosse, nez camus. Il parlait rarement, ce qu’Ogier, peu disert, avait apprécié. Cette nuit, pourtant, il avait grand besoin d’exprimer ses pensées, voire son anxiété, car des craintes indéfinies serraient son cœur et ses entrailles.
    – Méfions-nous. Les Goddons ont sûrement un peu partout ici des avant-gardes…
    « Il aligne enfin quelques paroles ! »
    Mieux : le Moyne de Bâle continuait :
    – Il va nous falloir traverser la Seine. Sans doute aurions-nous dû le faire avant… Votre cheval saura-t-il vous porter ?
    – Me porter, je ne sais. Je me mettrai nu, mon harnois et mon épée attachés sur ma selle, et je nagerai en tenant la bride du Blanchet.
    – J’en ferai donc autant… Mais voyez, droit devant : on dirait un hameau…
    – Sans la moindre lueur. Ces démons y sont-ils venus ?… Sentez cette punaisie !
    – Cela pue, en effet. Il vaut mieux, Ogier, mettre pied à terre… J’ai mal aux reins et au cul, moi

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