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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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par la montre d’un écu armorié non seulement entre les consoles des quatre fenêtres du premier niveau, mais encore sur le linteau des huis.
    –  D’azur à deux merlans d’argent, le champ semé d’étoiles d’or… À défaut d’être les armes d’un chevalier, elles pourraient convenir à un poissonnier !
    Les vitraux des étroites baies étincelaient au soleil.
    Passant pour la deuxième fois, au pas lent de son cheval, devant cette maison, Ogier se dit qu’elle reflétait l’orgueil de son propriétaire. La petite porte, outrancièrement cloutée, avait des luisances de haubert ; son heurtoir figurait un gantelet serré. Derrière le hourdis des murs, on pouvait imaginer des pièces nues et des voûtes glacées, des ombres froides. Le pavement des seuils se craquelait, maints losanges vitrés manquaient aux fenêtres du second ; les grands vantaux entrouverts pourrissaient et se disjoignaient à leur base.
    « Il serre les cordons de son escarcelle et m’a traité de la même façon que ses palefreniers… s’il en a plusieurs ! »
    Ogier soupira. En quel état se trouvait cet homme ? Les bras dans des attelles, il devait grognonner du matin jusqu’au soir et maudire ses nuits blanches…
    « S’il me voyait, à vingt pas de son… palais, guettant sa fille, il m’enverrait ses gens pour qu’ils me rouent de coups !… Encore heureux que le mercredi soit jour sans marché, car certains de ceux qui m’ont vu à Chauvigny pourraient me reconnaître et – qui sait ? – me faire pourchasser par des archers. »
    Pour le moment, les passants ne faisaient aucun cas de sa présence.
    « Qu’elle se montre ! Je ne puis aller et venir ainsi tout le reste de la journée ! »
    Blandine était-elle absente ? Allait-elle sortir ?… Seule ?… Pourrait-il lui parler ? Il se répéta : « Elle n’assistait pas au tournoi. Elle n’a donc pu ouïr les accusations d’Isabelle. Elle aura tenu pour mensongers les propos que ses parents et d’autres lui auront rapportés sur moi ! » Il tressaillit : – Tiens, la voilà ! La petite porte venait de s’ouvrir. « Hélas ! c’est sa mère, vêtue de noir mais coiffée d’une huve vermeille… On dirait qu’elle a étanché avec ça le sang de son époux ! »
    Il devenait odieux et s’en réjouissait. Quand dame Berland eut disparu au détour d’une rue, il fut tenté d’aller secouer le heurtoir prétentieux jusqu’à l’apparition de Blandine. Il se donna pour délai un nouveau passage devant l’hôtel – à pied, cette fois.
    Il noua la bride de son cheval à l’un des anneaux fixés aux piliers des halles, en bordure de la rue, et revint lentement devant la demeure des Berland, furieux de sa male chance, jusqu’à ce qu’il s’immobilisât, incrédule et inquiet, car la jouvencelle apparaissait entre les vantaux de la porte charretière.
    – Blandine !
    L’espérance, nourrie sans trêve pendant trois mois, se confirmait ; les rêves raisonnables s’accomplissaient : confronté à la réalité, Ogier mesurait plus amèrement encore qu’au cours de sa réclusion et de son cheminement vers Poitiers l’infinité des lieues qui, bientôt, commenceraient à l’éloigner de cette enchanteresse. Et comme il observait qu’il tenait à elle par plus de passion que jamais, il l’en admira davantage, bien qu’elle fut vêtue comme une manante – ou justement peut-être en raison de cela. Une robe de tiretaine ponceau soulignait sa poitrine et descendait à gros plis jusqu’à ses pieds nus, visibles entre les lanières des socques de bois verni. Ses cheveux dénoués encadraient son visage d’un long camail d’or frémissant. Jamais il ne l’avait trouvée si belle. À tel point qu’il n’osait l’approcher.
    – Blandine.
    Avait-il crié ? Il ne le savait : elle provoquait en lui un tel flux de douceur que sa voix pouvait bien s’être assourdie.
    Blafarde, la pucelle le regardait avec une insistance prouvant qu’elle doutait encore, jusqu’à ce qu’un sourire apparût sur ses lèvres.
    – M’amie ! J’avais tant espéré ce moment !
    Il était tête nue, vêtu d’une chemise de mailles qui le contraignait un peu, une épée à la ceinture d’armes, et Blandine, qui connaissait son armure, n’osait croire à son apparition à cause, sans doute, de ce nouvel harnois guerrier. Et puis, il n’avait plus les joues rases.
    Il marcha en boitillant, n’osant tendre les bras pour

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