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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vue…
    – Une si grand-foison d’hommes, de chevaux et chariots ne doit pas se musser aisément !
    – C’est vrai… De toute façon, Philippe a décidé d’attendre.
    « Quoi ? » faillit demander Ogier. « Que ces Attilas détruisent à tout jamais la Normandie ? » D’après ce qu’il savait, l’armée du roi de France comptait trois fois plus de guerriers que celle d’Édouard III. La victoire était assurée dès le premier affrontement. Il fallait reconstituer un pont sur la Seine, le franchir et attaquer les Goddons.
    Alençon soupira. Soupir d’impuissance car c’était son aîné qui décidait, après avoir surtout conféré de ses affaires avec Blainville. Compte tenu du désavantage des Anglais, le félon devait s’employer à retarder le moment de la mêlée.
    – Les maréchaux de l’ost, monseigneur ?
    – Ils sont divisés, Fenouillet… Alors, Philippe s’en remet à Blainville.
    Fallait-il révéler à ce grand seigneur tourmenté, même s’il commençait à s’en douter, quelle sorte d’homme était le conseiller de son frère ? Ogier préféra s’abstenir.
    – Édouard a quitté Caen pour Troarn, reprit Alençon, maussade. Il est passé par Argences et s’en est allé à Lisieux… Ce que nous savons aussi, c’est que le Pape a délégué deux légats, Étienne Aubert et Annibal de Ceccano, auprès de l’Anglais et de son fils. Les Goddons leur ont pris leurs chevaux ainsi que ceux de leur suite… Ah ! certes, ils les ont restitués, mais c’est tout juste si ces deux malheureux prélats n’ont pas été chassés à coups d’étrivières.
    Alençon toussa et se recroquevilla sous ses couvertures :
    – La Normandie est coupée en deux : le Ponant à l’Anglais, le Levant à mon frère…
    « C’est bien de votre faute aussi, Valois ! » pensa Ogier. « Si vous n’aviez pas voulu remettre en question nos franchises, si vous avez laissé nos comtes et barons se choisir un duc qui comprenne et aime les Normands, jamais Harcourt n’aurait trahi. Jamais il n’aurait conduit les Goddons en ce pays qu’il connaît si parfaitement ! »
    Le comte poursuivait son récit, mêlant les noms des villes et ceux des capitaines (249) et s’étonnant soudain :
    – Mais tu dois avoir soif !… Henri !… Ah ! Henri, verse à notre ami une demi-pinte de grenache… Et assieds-toi un peu sur ce banc, mon garçon !
    Alençon avança ses lèvres pâles en une expression boudeuse :
    – Nous venons d’apprendre que les Flamands ont mis le siège devant Béthune. Un de nos bons vassaux, Geoffroy d’Annequin, galope vers eux avec ses hommes…
    « Voilà ! » enragea Ogier en empoignant le gobelet que le sergent lui tendait. « Tout ce que je savais s’accomplit… ou presque ! Il reste le Poitou. »
    Désormais, la prudence lui enjoignait de se taire et d’attendre l’occasion de confondre Blainville.
    Des voix fortes crevèrent les rumeurs de la nuit.
    – Ce doit être Philippe, dit Alençon. Que vient-il me demander ? Un avis dont il ne se souciera point ?
    Et le comte poussa un soupir pareil à un rugissement étouffé.
    Cet homme qu’Ogier avait été enclin à détester lors de leur première rencontre à Morthemer reconquérait sa déférence. Il était simple, circonspect, sage et triste. Peut-être entretenait-il au fond de son cœur le regret du temps où, son frère n’ayant pas accédé au trône, sa vie coulait loin des conflits petits et grands, rehaussée de loin en loin par une joute, un tournoi, une chasse ou un bal.
    – Le roi ! cria l’Henri sur le seuil de la tente.
    La portière en tissu azuré s’écarta ; une tête apparut, baissée, puis l’homme, sitôt entré, se déplia. Il était grand, maigre à ce qu’il semblait dans sa robe de lin rouge serrée aux hanches par une ceinture d’armes alourdie d’une épée. Ogier, qui s’était levé, fut désagréablement surpris : la majesté manquait à cet être aux cheveux grisonnants, longs et roides. Il avait un front court, rayé profondément, un grand nez mou, une bouche épaisse, un menton inconsistant. Il eût fallu, au-dessus des yeux bleu pâle, et pour suppléer la fadeur du regard, des sourcils bien noirs et touffus ; or ceux-ci se voyaient à peine, ajoutant ainsi une sorte de niaiserie à ce que ces yeux-là contenaient de terne et d’incertain. Il eût fallu également, pour compenser la pesanteur du gros nez blême, qu’il s’y trouvât de

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