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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’incertitudes et de meurtres, ce que cet homme avait d’exécrable éclatait dans la détresse des jours comme une fleur de sang épanouie sur du fumier !
    – Que cela te plaise ou non, Charles, je vais envoyer un message à Édouard. Je suis sûr que, sur l’autre bord, il espère un acte de moi !
    – Holà ! Es-tu atteint d’ablepsie (254)  ? Ouvre tes yeux, tes oreilles ! Jusqu’ici, Édouard n’a rien attendu de toi.
    – Il attend la paix, mon frère. Il sait qu’ils sont pincés, lui et ses hommes, dans la boucle de la Seine qui va d’Oissel à Grand-Couronne… Grand-Couronne, Charles ! N’y vois-tu pas un signe ?… Il agréera ce combat ; le contraire serait avouer qu’il est sans honneur… Or, il est roi, par conséquent, il en possède !
    Alençon pouffa dans ses mains, aussi longues et plates que celles de son frère, à l’énoncé de ce singulier syllogisme.
    – Homme d’honneur, Édouard ? En a-t-il fait preuve à Carentan, Saint-Lô et Caen dont on nous a dit qu’il n’en reste que cendres ?… Et tous les morts, y songes-tu ? À qui crois-tu avoir affaire ? À Ogier le Danois ou Gérard de Nevers ?… Édouard n’est pas un chevalier de parchemin !… Enfonce-toi ça dans la tête !
    Et rallongé, très inquiet, le comte demanda :
    – Qui vas-tu envoyer en ambassaderie ?
    La réponse tomba, effrayante :
    – Blainville.
    Le gisant sursauta ; ses pieds, violemment repoussés hors des draps, heurtèrent son armure qui bascula dans un fracas malséant. Ogier la remit d’aplomb tandis que le comte, les poings serrés, remuait comme si un plein boisseau de puces venait d’envahir son lit.
    – Blainville, chuchota-t-il. Blainville !
    – Il me l’a demandé. Reconnais son courage…
    – Par saint Denis, mon frère, ne vois-tu que lui en cette occasion ?
    Le comte était scandalisé, mais sachant l’autre tout proche et l’oreille tendue, il se retenait d’élever la voix. Puis il parut se résigner, et regardant Ogier, tout aussi furieux que lui :
    – Tiens, Philippe, fais-moi plaisir pour une fois : envoie Fenouillet, ici présent, porter ta défiance (255) à Édouard… Donne-lui pour compagnon un des hommes liges de Jean l’Aveugle sur lequel on peut également compter : le Moyne de Bâle… Donne-leur vingt hommes et confie-leur une de tes bannières…
    Le roi se cabra, tombant semblait-il du songe dans le réel… et se faisant mal :
    – Pourquoi t’obéirais-je ?
    Alençon dodina de la tête et comme un chien hargneux montra enfin ses dents :
    – Cesse de m’engrigner, Philippe, et regarde bien le visage de Blainville quand tu lui annonceras, premièrement qu’il doit demeurer parmi nous, et secondement que ton messager, choisi par mes soins, est Ogier de Fenouillet… Il va te dire que ce gars-là est un traître… Or, mon frère, j’ai toujours présent à l’esprit que sans ce jeune chevalier de bon sens, je serais mort à Chauvigny !
    Philippe VI jeta sur son puîné un regard parfaitement vide :
    – Qu’est-ce que tout cela veut dire, Charles ?
    Alençon ferma les paupières sous l’effet d’une indignation contenue à grand-peine :
    – Te le dirais-je que tu te courroucerais car les preuves, hélas ! me manquent. Or, donc, je me tairai… Et si tu n’as rien d’autre à pourpenser, va dormir : tu en as besoin !… Mais, de grâce, envoie Fenouillet et le Moyne de Bâle à la quête d’Édouard !
    Brusquement, Philippe VI sourit : le vainqueur de cette discorde, c’était lui. Il se mit à tapoter son épée :
    – Soit ! Tu te rends à mon idée, je me rends à la tienne. Après tout, je préfère employer ton Fenouillet plutôt que mon Blainville… J’avais pensé à Jean IV d’Harcourt.
    C’était là une idée odieuse, un expédient de faible et peut-être de fou. Ogier imagina les deux Harcourt en présence, l’un dévoué à l’Anglais, l’autre au Français. Il échangea un regard avec Alençon, puis un sourire, et s’adressant au roi :
    – Je ferai en sorte de vous satisfaire, sire.
    – J’y compte bien ! dit Philippe VI en agitant sa tête pâle.
    – Quand dois-je partir ?
    Il était las mais la mission qu’on lui confiait valait bien un surcroît d’efforts.
    – À l’aube. Le parchemin est clos, scellé et mis dans une custode…
    – Que dis-tu à notre cousin ?
    – Que s’il est chevalier, nous devons estiquer (256) . J’ai pris le gant pour cette

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