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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Et qui sait ? Nos bons sujets, du haut des parois, verront peut-être la bataille !
    Il allait montrer à son bon peuple comment un légitime roi de France triomphait d’un souverain de truanderie.
    Charles IV, le plus livide, le plus inquiet des hommes rassemblés en ce conseil, prit le roi par sa cubitière :
    – Ne puis-je aller saluer mon père et ma sœur Bonne ?
    – Plus tard, Charles. J’ai d’ailleurs, cette nuit, fait mander votre père. Il sera à Saint-Denis avec ses Bohêgnons… Il serait marri de ne point vous y voir (304)  !
    – Voir ! Voir ! maugréa le Moyne de Bâle à l’oreille d’Ogier. Moi, je ne vois qu’un sot !
    Le roi franchit le seuil du réfectoire. Ogier l’entendit s’écrier :
    – À cheval, messires. Ensuite, à la bataille. Nous les vaincrons avec l’aide de monseigneur saint Denis !
    Ogier sortit, parmi les connétables, les chevaliers bannerets et les sergents. La fraîcheur de la cour ombreuse le surprit. Le comte de Saint-Pol, un petit blond sec et triste ployant sous ses fers, approuvait le roi mais ajoutait, tout en coiffant son bicoquet en forme de citrouille :
    – Nous sommes tant qu’ils devront nous affronter à un contre quatre. Nous les vaincrons, même sans l’aide de monseigneur saint Denis !
    Le comte de Sancerre – visage et dents de loup – avoua son incertitude :
    – Je suis sûr que le gros de leur ost est demeuré à Poissy. Au petit matin, quand nous y sommes passés, on voyait monter dans le ciel les fumées de centaines de feux… Et comme il faut compter un feu par trente hommes…
    Philippe VI dévisagea son jeune allié et ses deux vassaux. Bien qu’il parût affable, le dédain se lisait dans ses yeux qui, pour une fois, avaient un éclat soutenu :
    – Allons, Charles… Allons, Saint-Pol et vous, Sancerre !… Édouard est chevalier, il a fait un tournoi en l’honneur de la Table Ronde… Nous combattrons seul à seul grâce à l’entremise de l’archevêque de Besançon !
    Il se vautrait encore dans ses songes de gloire sans même s’inquiéter de la présence d’Hugues de Vienne. Sans doute le prélat était-il à Saint-Denis…
    On chemina vers l’abbaye royale, provoquant une grande curiosité dans la cité, mais guère d’encouragements. Ce repli inquiétait les Parisiens : pour que le roi et son armée prodigieuse eussent reculé, il fallait que les Goddons fussent en quantité égale et d’une force terrifiante. Et puis, que dire de ces hommes-là ? Les Génois ne se privaient plus de se lamenter. Chevauchant, quand l’étroitesse des rues le permettait, loin d’Alençon, Ogier observait ces piétons et parfois les encourageait d’un mot, d’un clin d’œil, d’un geste. Ils avaient l’air hagard et quand l’un d’eux hurla qu’il crevait de faim, cent voix plaintives s’élevèrent.
    – Vous mangerez bientôt, promit un chevalier. Il vous faut entendre la messe à jeun !
    – Défense, hurla une voix, d’entrer dans les échoppes sous peine de la hart (305)  !
    Quelques gars boitillaient, le vouge non plus sur l’épaule, mais à bout de bras, tels des pêcheurs allant à la rivière ; d’autres échangeaient leurs armes, d’un poids différent, ou l’un d’eux en portait deux pendant que l’autre allait bras ballants, quand il ne saluait pas les commères aux fenêtres. Ogier en vit se hâter, courir même en se faufilant dans la cohue ; il les retrouva longtemps après, allongés sur le pavé, aux pieds des curieux, attendant le passage de leur compagnie pour se remettre debout. Certains encore laissaient traîner la hampe de leur épieu, de leur corsesque, de leur guisarme, de leur fauchart dans la poussière et les immondices. Parfois, en aboyant, des chiens les suivaient.
    « On dirait une armée de vaincus… Nous étouffons tous entre ces maisons et j’ai honte pour nous… Ni le roi ni son frère ni même quelque grand capitaine ne paraissent s’en soucier !… Si les Goddons pouvaient se douter de l’état où nous sommes, c’est maintenant qu’ils devraient surquérir Paris. Telle est notre mélancolie qu’ils nous vaincraient ! »
    Ogier regardait les fers et les aciers ternis, les tissus poudreux, les chairs visibles sous les accrocs des chausses et des manches – lacérations dues aux ronces des chemins plus qu’à l’usure. Les brigantines de certains archers et les cottes des picquenaires avaient perdu des écailles ; il manquait des rivets

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