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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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restent, nos pauvres compagnons ne périront que pour grossir la gloire, la joie et l’orgueil d’Édouard.
    La rage au cœur, hués et insultés tant par les chevaliers demeurés en réserve que par cinq ou six mille piétons impatients de combattre mais ne sachant ni où ni comment, les deux compagnons s’engagèrent sur le chemin qui, loin dans les prairies, rejoignait la chaussée empierrée d’Abbeville. Et dès que leurs chevaux allèrent l’amble :
    – Une défaite… Une défaite de plus, grogna Ogier. La Blanche-Tache ouvre la voie aux Goddons vers la Flandre et leurs alliés.
    – Philippe et tout son ost peuvent les rejoindre, messire, et se revancher joliment !
    – C’est vrai, Thierry ; mais vois-tu, nous avons beau être près de cent mille, je t’avoue que j’ai peur. Nous allons de male chance en male chance. Si nous avions été tous là, nous pouvions nous saisir des deux Édouard et du Boiteux…
    Ogier soupira. La frénésie d’occire demeurait en son cœur, ses bras, ses reins, et pourtant, il se sentait las, dominé, accablé par une fatalité pire encore que les forces humaines qu’il venait d’affronter et qu’il avait vues vaincre.
    – J’ai tenu Harcourt au bout de mon épée.
    – Et ensuite ?
    – Nous avons faibli l’un et l’autre…
    C’était sans doute en raison de ce fléchissement qu’il se sentait un besoin effréné de meurtre !
    – Il me semble avoir cédé à la couardise en quittant cette mêlée où je n’ai pris que des coups sans griéveté !
    – Un couard, vous ? s’indigna Champartel. Merdaille !… Au cas où elles vous feraient défaut, j’ai de bonnes remembrances, moi, des vaillantises accomplies par vous à Rechignac !… Vous n’êtes sorti de ce bain mortel que parce que vous avez autre chose à faire dans cette guerre, voilà tout !… Je préfère que vous obéissiez à Alençon plutôt qu’à votre caractère, et que vous serviez l’honneur de votre père plutôt que celui de Philippe !… Je préfère aussi que vous soyez bientôt en mesure de confondre et d’anéantir Blainville que d’occire je ne sais quel Goddon, fut-ce Édouard ou son fils… ou ce maudit Boiteux !… Le Godemar du Fay n’a pas eu vos remords !
    – Je sais… Comment le roi a-t-il pu lui faire confiance ?
    – Il y a partout des hommes qui se méprennent à la fois sur eux-mêmes et sur leur voisinage. Le grand malheur est qu’ils s’abuseront toujours, nuisant toujours ainsi à autrui plus encore qu’à eux-mêmes… Allons, messire ! Dites-vous bien que vous avez fait pour le mieux… et qu’un beau sacrifice n’aurait rien changé à l’issue de la bataille !
    Ogier en convint d’un grognement. Portant ses doigts de fer à la blessure du Blanchet, il les retira poisseux de sang :
    – Il nous faudra le soigner dès que nous le pourrons.
    Puis, avec une sincérité qui lui serrait le cœur :
    – Si tu savais, Thierry, combien mon nom, mon rang, me font défaut ces jours-ci !… J’en ai besoin autant que d’air et de clarté… Je pense de plus en plus fort à Blandine… Je sens que nous entrons dans des jours difficiles, noirs et vermeils…
    Par sa briéveté féroce, répugnante, ce combat dont il n’entendait plus que des rumeurs semblait le prologue d’un autre, immense, où les membres rompus, les têtes décollées, les ventres ouverts et les chevaux occis se compteraient par milliers.
    – Harcourt combattait le viaire déclos pour que, s’ils étaient présents, son frère et son neveu le reconnaissent…
    Toute sa vie sans doute, il se souviendrait de ce visage rouge, suant de volupté mauvaise et dont chaque souffle était comme un rugissement. Lui, au moins, prenait de ténébreuses satisfactions à cette guerre !
    Le Blanchet donna des signes de fatigue, de même que le cheval de Thierry.
    – Voilà une matinée bien mauvaise !
    Midi. Le soleil étincelait sans qu’ils en sentissent les feux. Thierry ôta son bassinet et en coiffa le téton du pommeau de sa selle. Ogier en fit autant. Longtemps – une lieue et demie ou deux – ils cheminèrent.
    Ils venaient de gravir une courte éminence, à deux lieues sans doute d’Abbeville, lorsqu’ils virent devant eux, de l’autre côté de la Somme, étincelante, solennelle et redoutable, l’immense armée du roi de France.
    – Bon Dieu, quelle masse ! dit Thierry. Avec ça en face de lui, Édouard aurait eu la colique !
    La chevalerie

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