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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hennissements de terreur des bêtes éperonnées ou percées par quelque acier terrible. Mortel vacarme auquel se mêlèrent les sonneries des trompettes d’Édouard, pour quelque rassemblement d’importance.
    Qui choisir dans cette masse de fer gesticulante ? Aucune armure sombre, hélas ! Édouard le jeune devait avoir plus de plaisir à pénétrer dans un moutier avant d’y faire mettre le feu, que d’entrer dans un hutin pareil !
    « Et son père ?… Qui le combat ? Il doit être bien entouré !… Où est le Godemar ?… On dirait que les nôtres faiblissent… Pourquoi ceux que nous avons encore sur la berge ne nous rejoignent-ils pas ? C’est maintenant que la male chance peut contrarier cette racaille ! »
    Ogier contourna un taillis de torses mouvants, scintillants, de bras armés d’acier, de hampes, de fléaux et de gonfanons. Il eut la gorge broyée de terreur en voyant, sur la rive anglaise, des piétons accourir armés d’épieux, de fauchards et de couteaux de brèche. « Jamais nous ne résisterons ! » Déjà, il ne savait où se trouvait Thierry.
    Un homme emplumé de rouge l’agressa. Le Blanchet obéissant aux rênes, il évita le dommage en levant sa taloche, et tandis que le coup emplissait de frémissements douloureux son avant-bras, faisant bondir son cheval, il assena sur le bassinet de son adversaire un taillant après lequel celui-ci vida les arçons.
    – Un de moins.
    À mesure qu’il s’y enfonçait, la mêlée lui semblait plus confuse ; c’était un tourbillon pétillant d’étincelles où quelques bardes de chevaux s’entrechoquaient avec une obstination de tocsin. Les rares pennons, au bout des lances, gluaient de rouge ; les armures se couvraient de coulures, de giclures rouges ; rouges comme naguère la mer et les épaves de l’Écluse ; rouges comme les eaux de cette Somme où les corps sans vie luisaient, pareils à de gros poissons que les remous et les ruades agitaient. Et si puissants étaient les coups que les écus de fer et de bois n’y pouvaient résister : leurs cuirs épais se déchiraient, mettant à nu des planches pâles ; les clous et les rivets volaient en éclats sous le mordant des haches ; les bandes d’acier savamment assemblées se disjoignaient, et faute de défense, des bras rompus tombaient, et des heaumes vides ou pleins.
    –  Montjoie ! Montjoie  ! hurlait un baron au bassinet ouvert, jusqu’à ce qu’un épieu s’enfournât dans sa bouche.
    – Frappez ! cria un autre. Ils doivent relinquir (354)  !
    Il bascula, une lance enfoncée dans son poitrail de fer.
    Un tumulte avala celui de la mêlée : deux escadrons anglais entraient dans l’eau.
    Ces hommes allaient décider du sort de la bataille et ni les archers ni les arbalétriers de Godemar du Fay ne pouvaient en détruire un seul.
    Les chevaliers et les écuyers du bailli du Vermandois commencèrent à basculer de leur selle. Ogier vit que certains tenaient des épées larges, à pointe ogivale : des armes de parade faites davantage pour la taille que pour l’estoc ; or, dans cette masse goddone, on pouvait enferrer, étriper l’adversaire car la plupart de ses composants portaient des mailles.
    Un Français tourna bride et s’enfuit ; un vol de sagettes s’abattit aussitôt sur lui et son cheval ; ils s’effondrèrent en atteignant la rive.
    Ogier renversa un homme, vit un marteau s’abattre sur son épaule et se félicita que sa taloche eût résisté au coup tandis qu’une voix âpre, bien connue, hurlait à sa droite :
    – Normandie !
    Harcourt. Il était là, tout proche… Où donc se battait-il ?
    « Il faut que je le trouve ! »
    –  Dieu et la Fée !… Montre-toi, félon !
    « Impossible de le voir dans cette mêlée. J’ai eu tort d’y entrer par vaine outrecuidance !… Cela suffit… » Des corps culbutaient en tous sens. On s’exterminait dans un cloaque d’écus et de lances en miettes, de chairs et d’étoffes palpitantes, de cris achevés en vomissements. Quand un roncin à l’agonie se convulsait dans l’eau basse, jetant une écume vermeille par les naseaux, il écrasait tout survivant sous son flanc ; et les mêmes imprécations, les mêmes sanglots, les mêmes suffocantes injures qu’à l’Écluse troublaient la quiétude des prés et du ciel.
    – Normandie !… Jean !… Jean !… Es-tu là ?
    « Il cherche son frère ! »
    Ogier venait d’apercevoir le Boiteux, coiffé de son lourd

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