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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sommes gens à privilèges et le peuple nous guette. Chaque faute aiguillonne sa rancœur envers nous. Si Philippe n’avait pas eu tant d’ennemis chez les Normands, la Normandie tout entière aurait affronté les Goddons, et Édouard n’aurait peut-être pas atteint la Seine…
    – Et la Somme, acheva Thierry. Mais, messire, les Normands se sont battus, les petits comme les grands, quand ils ont appris les dommages et tueries d’Édouard et d’Harcourt… Si tous ces malandrins avaient avancé sans combattre, Paris serait présentement tombé. Un roi Plantagenêt régnerait sur la France !
    – Sans doute… reprit le Moyne de Bâle. Philippe se croyait tout-puissant : il en subit le démenti.
    – Si nous devons livrer bataille aux Goddons, dit Ogier, morose, et si nous sommes défaits, nous serons en butte à des railleries terribles de la part du commun… et il en prendra de l’audace.
    – Assurément !… C’est jour après jour que la noblesse doit se soucier des petits et non quand ils sont bons à porter les armes ou à réunir leurs deniers pour payer les rançons des seigneurs captifs… Ah ! là là, soupira le Moyne de Bâle. Dès qu’on parle de Chevalerie, j’ai le sentiment qu’un malentendu s’élève. Les chevaliers sont de beaux prétextes à des romans fort éloignés de la vie, et plus j’avance dans cette guerre, plus je prête attention à leurs paroles, plus je me demande ce qu’il convient d’en attendre… Aucun ne proteste quand Philippe VI énonce ses sornettes. Tous veulent se battre, ce qui est bien, mais sans s’inquiéter de savoir quand et comment… Et pendant ce temps-là l’ennemi se joue d’eux !… En fait, malgré leurs grandes goules, ils obéissent bêtement tout comme ces piétons dont ils ne parlent qu’avec de plus en plus d’acerbité car, paraît-il, ils ralentissent leurs déplacements.
    – C’est vrai, dit Ogier. Je le regrette et n’y puis rien.
    – Quant aux chevaliers d’Angleterre, qui devraient avoir, comme ceux de chez nous, du cœur et de la religion, ils sont plus détestables encore. Ils ruinent et livrent aux flammes tout ce qui porte la Croix !
    – Ils doivent avoir une raison.
    – Je la cherche en vain, Ogier, soupira le Moyne de Bâle.
    Jamais cet homme solide et secret n’avait autant parlé ; et ses propos correspondaient bien peu à l’attente d’Ogier. Ils semblaient une confession avant quelque chose de grave sinon d’horrible.
    – Leur esprit est celui du loup et leur sang, bien que rouge, un pissat ! Nous allons tous devoir les affronter demain, après-demain ou un autre jour – car ils sont tout proches – avec, à notre tête, deux rois qui croient à la Chevalerie, et conçoivent tout combat comme une fête…
    –… écarlate, continua Ogier au souvenir des propos de Godefroy d’Harcourt.
    – J’ai peur pour nos bannières, grommela Thierry.
    – Moi, j’ai peur pour moi-même, avoua Bâle.
    – La peur me ronge aussi, confessa Ogier. Mais, le Moyne, vous voilà bien disert, ce soir. Et bien affligé !… Où étiez-vous passé tout cet après-midi, après votre prouesse non loin de la Blanche-Tache ?
    – J’y arrive, Ogier. J’étais du côté de Nouvion pour savoir vers quoi avançaient les Anglais… Leur route est jonchée de morts… J’ai vu le petit Gauric…
    Le feudataire du roi de Bohême parut hésiter à poursuivre.
    – Vivant ? demanda Ogier, le cœur serré.
    – Occis… Je ne sais comment et où ils l’ont pris… Ils ont dû le mettre à la question après le passage du gué, puisqu’il était sur l’autre rive… Il n’en restait plus rien sinon la tête et le cou intactus afin de le pouvoir pendre…
    – Seigneur, dit Ogier, se signant. Accueillez cette âme en votre bleu Paradis !
    D’une voix mate, dégoûtée, le Moyne de Bâle continua :
    – Souvenez-vous de ce hameau que nous avons traversé… Gauric n’est qu’un martyr parmi des milliers d’autres… Noble, il aurait vécu, mais comme sa rançon n’aurait pas rapporté cent écus, ils s’en sont amusés avant que de l’occire.
    – Où sont-ils, ces démons ? demanda Thierry.
    – D’après ce que Jean l’Aveugle m’a confié, Édouard, son fils et Harcourt ont pris logis au-delà d’une rivière nommée la Maye… Pendant qu’ils riaient, mangeaient et nous attendaient, un des leurs, Hugues Spencer à ce qu’on dit, et un bon millier d’hommes à cheval sont partis pour

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