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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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César !… Jamais les centurions de Rome n’auraient été conduits ainsi !… Te souviens-tu de l’arrivée de Knolles à Rechignac ?
    – Je ne suis pas près de l’oublier, messire… Rien qu’à le voir paraître avec ses malandrins en bon arroi, derrière ses musiciens, on avait peur et l’on se merveillait !
    – À la vue de notre troupeau, Édouard et ses hommes s’ébaudiront… Et à supposer qu’ils aient eu la colique en nous attendant, ils reprendront confiance !
    Thierry retint un instant son cheval.
    – Cessez de vous décourager, messire !… Nous ne sommes pas encore en vue de Crécy. D’ici là, le roi peut nous réserver quelques ébahissements.
    Ogier haussa les épaules :
    – Si ébahissements il y a, ils seront désagréables !
    Deux lieues après Abbeville, l’armée atteignit Saint-Riquier. Les portes s’ouvrirent et des centaines d’hommes en sortirent. C’étaient surtout des Bohémiens, vêtus de cuir ou de peaux de bêtes, armés d’épieux, de morgenstems (378) et d’arcs à double courbure. Perdant tout du spectacle de la réunion de ses guerriers aux gens du souverain de France, mais imaginant la stupéfaction et l’effroi que cette multitude et sa hardiesse inspireraient à l’ennemi, Jean l’Aveugle dont le destrier obéissait au Moyne de Bâle, s’en alla chevaucher auprès de Philippe VI.
    – Êtes-vous content, mon parent ?
    – Oui, oui, je suis content !… Ah ! ces démons vont voir !
    – Charles, es-tu là ? s’inquiéta le roi de Bohême.
    – Oui ! répondit, impatient, le fils chéri blond et blême qui, bien que tête nue, semblait manquer d’air.
    On repartit. Le comte d’Alençon, les comtes de Flandre, de Blois, d’Auxerre et de Sancerre, Blainville et Vertaing suivaient les deux rois. Thierry et Ogier venaient ensuite. Ils regardaient ; ils écoutaient ces hommes insouciants, lumineux comme le ciel collé sur leurs armures.
    – Quand ces démons nous verront, ricana le comte de Namur, ils fuiront comme des rats !
    – Combien sommes-nous ? demanda le roi de France.
    Il le savait mieux que quiconque mais tenait à se fortifier l’esprit de cette certitude revigorante : il possédait la plus grosse armée qu’on eût jamais vue.
    – Sire, dit Blainville sèchement, il vous faudrait bien plus d’un jour pour compter tous vos hommes… Cent mille… Mais il y a grand-foison de piétons…
    – Les Génois… commença le comte de Sancerre.
    Philippe VI l’interrompit :
    – Doria !… Grimaldi !
    Affaiblies par la distance, deux voix répondirent :
    – Nous sommes là, sire !
    Aimable mais inquiet, Grimaldi hasarda :
    – Les charrois ne suivent pas, sire !
    – Ils suivront ! Ils suivront !
    Alençon ricana :
    – Ces mercenaires importent peu… Ce samedi est celui de la Chevalerie !
    Il portait accrochée à sa ceinture d’armes une aumônière de velours noir. Ogier se demanda ce qu’elle pouvait contenir pour qu’il la tapotât souvent, comme s’il craignait qu’elle ne se fut vidée en chemin.
    – Tiens ! dit le roi de France, j’ai omis de convier, hier soir, Colard Le Ver à ma table… et de le louer pour avoir fait en sorte qu’Abbeville tienne si bien devant Warwick et Harcourt !… Quand nous repasserons, nous festoierons avec lui et les échevins…
    Il parlait du futur ; Saint-Venant dit, de l’arrière :
    – Sire, les chariots de carreaux, de sagettes et…
    – Ne me rebattez pas les oreilles avec ça ! hurla le roi. Vous le savez aussi bien que moi : un grand galop de nous tous réunis devrait suffire à desfoucquer (379) les Goddons, si toutefois le terrain s’y prête… Mais approchez, Saint-Venant…
    Il y eut un galop et le prud’homme trotta auprès de Philippe VI.
    – Où se trouvent vraiment ces démons ?
    – À deux lieues d’où nous sommes, sire… dans la petite vallée de la Maye, une rivière où nos chevaux pourront s’abreuver… Voyez, là-bas, au Nord… Cette échine sombre, c’est la forêt de Crécy…
    – Nos chariots de lances suivent-ils, eux ?
    – Oui sire… Deux cents lances frênines (380) en tout, dont nous n’aurons peut-être pas l’usage…
    – Bien… Allons, messeigneurs, un peu de fierté… Redressons-nous : si Édouard a quelques coureurs par ici, il convient de les accouardir !
    Les chevaliers penchèrent le buste en arrière, et ceux qui portaient leur lance appuyée sur l’épaule la posèrent,

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