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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pouvait remarquer combien cet homme se montrait soucieux de son bon peuple puisque, du bout de ses doigts de fer, il envoyait parfois un baiser aux commères qui s’égosillaient dans des «  Vive le roi ! » aigus.
    Derrière, il y avait quelque vacarme. Les roncins hennissaient et jouaient du sabot : bien qu’ils fussent accoutumés au tumulte et à la presse, jamais ils n’avaient vu et senti autant d’hommes, et certains chevaliers donnaient déjà de l’éperon.
    – Vive le roi !
    – Victoire ! Victoire !
    – Boutez les Goddons hors du royaume !
    – Nous le ferons, mes belles ! affirmait en riant Alençon dont Vertaing, près de lui, portait la bannière.
    Avant de chevaucher derrière le comte, entre Thierry et l’Henri, Ogier avait pu voir de près, dans l’ombre de la visière, les yeux de Philippe VI. Las et vitreux, ils témoignaient d’une nuit sans sommeil. Sous le long nez vermillon et pelé, la bouche pour une fois bien dure exprimait des intentions sévères et solides. Cette fermeté résisterait-elle aux coups de l’ennemi ? Était-ce un nouvel homme, un nouveau souverain qui, ce matin, partait à la rencontre d’Édouard III ?
    Roland rua, ébranlant le bel édifice de fer et de soie, et quand le cheval fauta sur une grosse pierre, le roi chancela si fort qu’il faillit vider les arçons.
    – Mauvais augure, grogna Thierry.
    Lentement, patiemment, on sortit d’Abbeville. La campagne se déploya, verdoyante, aux regards des guerriers, et tous sourirent en offrant leur visage au vent pour le laver de la crasse et des puanteurs de la cité. Dans un champ, le roi immobilisa sa monture, non pour juger de l’état des piétons avançant de part et d’autre de la chaussée, mais pour imaginer – il le dit à son frère – la terreur que produirait sur l’ennemi la sévère marée de ses hommes de fer.
    – Ha ! messeigneurs… toutes ces lances… cette forêt de lances !… Soyez bien afusellés (374) sitôt que nous verrons nos ennemis… Mais par Dieu, vous êtes beaux !
    Frappées par le soleil, les royales prunelles s’enflammèrent ; elles montèrent vers le ciel bleu où roulaient des nuages sombres. « Le voilà qui se reprend pour Perceval », songea Ogier tandis que Philippe VI enjoignait :
    – La bannière en avant !
    Voyant flotter l’enseigne rose à deux langues effilées, Ogier fut pris d’un grand émoi : cette soie ondoyante, marquée par les guerres, lessivée par les pluies, il eût voulu en saisir la hampe dans le poing de son jeune porteur pour l’emmener, claquant au vent, jusqu’au sommet de cette colline dont le Moyne de Bâle lui avait parlé ; une éminence dont la peau tendre et verte se hérissait déjà, sans doute, de milliers de flèches galloises.
    – Allez ! Allez ! mes alliés… Je vous remire (375)  !
    Et satisfait, immobile, le roi regardait étinceler à la lumière du ciel bleu-gris tous ces fers triangulaires à pointe bien perçante et ces épées battant le flanc gauche des chevaux.
    – Nous les aurons !… Ils ne savent pas ce qui les attend !
    Ainsi, ayant son frère et la petite suite de celui-ci à ses côtés, Philippe VI vit passer quelque cinq cents de ses plus grands vassaux sans jamais abaisser son regard sur ses piétons. « Vous êtes beaux ! » disait-il à ses hommes de fer. Il saluait Saint-Venant, Montmorency, Auxerre ; il interpellait gaiement Bricquebec, qu’Harcourt et son fils Aumale avaient, semblait-il, moins en haine que Godefroy le Boiteux ; il faisait un signe aux sires de Beaujeu et d’Aubigny, s’inclinait devant le comte de Blois et Louis de Thouars. Il lança au roi de Bohême, entre le Moyne de Bâle et Klingenberg :
    – Parent ! Parent ! Je regrette que vous ne puissiez voir ce que je vois !
    Puis, désignant toutes les croupes couvertes ou non d’un houssement de prix :
    – Les rangs de ma chevalerie sont si serrés qu’un gant, jeté sur une croupière, ne toucherait pas terre, j’en jurerais !
    Ogier se pencha vers Thierry :
    – Il a lu ces mots-là dans Raoul de Cambrai.
    Frisant l’ivresse, une joie profonde affermissait les chairs du visage royal dont le nez se redressait presque. Quand, précédant la procession de leurs clercs en bure poudreuse, les dignitaires épiscopaux passèrent, étincelants, sur leur mule, ce fut lui, Philippe VI, qui parut les bénir avant de les dépasser en partant vers l’avant, au petit trot, allongeant

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