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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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droite, sur le bout de leur pied ou sur le faucre de l’étrier.
    – Des coureurs ? fit Thierry, grimaçant sous son bassinet noir.
    Ogier se contenta de hausser les sourcils : depuis la veille au soir, les Goddons, là-bas , se trouvaient en position d’attente ; de bons guetteurs leur suffisaient.
    – On doit nous voir de loin, dit-il.
    La terre du Ponthieu tremblait sous les sabots, les semelles et les jantes de fer des deux chariots de lances. Les guerriers pullulaient. Clopin-clopant, bidaus, vougiers, coustiliers se rejoignaient puis s’écartaient aux fourches des chemins obliques pour se recôtoyer plus loin. Certains chantaient pour s’aider à la marche ; d’autres imaginaient ce qu’ils feraient en Paradis au cas où la mort les prendrait. On se promettait d’aller trouver les veuves et de les besogner de gré ou de force ; et l’on chantait encore, après la Bataille de Poissy :
     
    Mon vœu est de mourir en taverne.
    Avec du vin sur mes lèvres mourantes
     
    Les Génois auxquels la guige du pavois et le fut de la lourde arbalète sciaient les épaules grognaient, juraient, insultaient de plus en plus souvent Charles Grimaldi et Antonio Doria, insensibles.
    Il en fut ainsi jusqu’à une demi-lieue du hameau de Fontaine, où le roi s’arrêta pour boire et manger – un jambonneau dans une main, un morceau de pain dans l’autre – tout en marchant parmi ses maréchaux et capitaines. Les gens de pied avançaient toujours, et il se mit à les admonester au passage :
    – Allons, fainéants ! Une victoire est au bout de vos peines !
    Il reconnut, alors qu’il s’apprêtait à se remettre en selle, un vieux sergent juché sur un mulet :
    – Tu vis donc toujours, Grosse-Tête !… Te souviens-tu du Mont-Cassel ?
    C’était sa seule victoire en vérité (381) , alors qu’il venait juste d’accéder au trône. Une boucherie, disait-on, après que les manants et les bourgeois des Flandres eurent investi son camp, y semant la peur plus que la mort. D’autres prouesses ? Aucune. Un an avant l’Écluse, à Buironfosse – cela, Ogier le tenait de son père –, il avait lâchement renoncé à combattre les Flamands.
    – Hé oui, sire, je vis ! ricana le vétéran tout en tapant sur la cuisse de son mulet. Mais pour combien de jours ?
    – Demain, viens donc me voir à Saint-Pierre d’Abbeville. Foi de Philippe, je te porterai la santé !
    Alençon, réjoui, dit à Ogier :
    – Voilà un roi qui va au peuple !… À quoi pensez-vous, Fenouillet ?
    Il riait ; il était fier, soudain, de son grand frère. Ogier, sombre, usa d’un alibiforain (382)  :
    – Monseigneur, je croyais qu’il y aurait un grand conseil avant d’atteindre nos ennemis.
    – C’est inutile. Nous disposerons les compagnies sur place, devant les Goddons. Les chefs sauront bien retrouver leurs hommes. Est-ce tout ce à quoi vous pensez ?
    – Monseigneur, dit Ogier, accablé par cette réponse, je pense aux durs moments que nous allons devoir vivre ; je pense aux corps qui joncheront les herbes ; je pense que le ciel se couvre et qu’il pleuvra de l’eau avant des traits mortels…
    Il vit Alençon décrocher son aumônière et en tirer une hostie consacrée qu’il avala tout en se signant ; puis le comte jeta le sac de velours comme un objet encombrant, alors que Saint-Venant disait au roi :
    – Sire, ce serait bon que vous fissiez entendre à ordonner vos batailles et fissiez passer tous les piétons en avant…
    « Enfin, en voilà un qui pense comme moi ! »
    Ogier dut déchanter : autant que celle d’Alençon, la réponse du roi fut décevante :
    – Vous savez bien que je ne le puis, Saint-Venant ! Il y en a des milliers en arrière… Mais dites à ceux qui sont devant de courir et de s’arroier (383) .
    – Il serait bon, sire, que vous envoyiez chevaucher à l’avant trois ou quatre de vos chevaliers afin de voir où en sont vos ennemis et en quel état…
    – Est-ce votre avis, le Moyne de Bâle ?… Allons, je vous sais moult vaillant… Votre avis m’importe grandement !
    – Sire, répondit l’homme lige de Jean l’Aveugle dont il guidait toujours le destrier, sire, votre ost est… grandement épars par ces champs, et ainsi, il sera bien tard pour le rassembler, car nonne (384) est déjà loin… Je vous conseille de prendre logis à Fontaine ou un peu plus loin, à Estrées… et demain, au matin, après la messe, vous ordonnerez vos batailles sus

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