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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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faces maussades, soutenaient les pièces de grand honneur : le bassinet portant les plus belles plumes des paons et faisans sacrifiés au souper de la veille, l’écu armorié, les gantelets et l’épée dont les deux frères s’étaient dessaisis devant l’autel. Derrière encore frémissaient des gonfanons et des pennons. Sur un côté, la grand-foison des coiffes de fer et des tabards de samit révélait les maréchaux ; un peu plus loin, un autre bariolage de cottes et tourniquels (371) indiquait la présence d’une cohorte de prud’hommes. Ogier aperçut trois mitres, trois chasubles de drap d’or et trois crosses dorées.
    – Qui sont-ils ? demanda-t-il à l’Henri qui passait. Je ne les ai jamais vus.
    – Ils nous suivent pourtant depuis Paris, messire. Ce sont les archevêques de Rouen, de Reims et de Sens. Il y a aussi le grand prieur de l’Hôpital et l’évêque de Laon…
    – Vont-ils nous suivre encore ?
    – Ils suivront… et les cinquante clercs qu’ils ont avec eux.
    Dans l’intention, semblait-il, de presser sur sa cuirasse tous les hommes d’armes groupés devant le parvis, Philippe VI écarta ses longs bras :
    – Messires, tenez-vous prêts…
    Malgré le fer dont il était lesté, le roi descendit les degrés du perron d’un pas lent et balancé, comme s’il foulait un velours épais de trois pouces. Un murmure d’admiration et de gaieté courut parmi les nobles et les piétons.
    – Jean !… Jean de Hainaut, cria le souverain.
    Aussitôt le chevalier apparut – face ronde et pâle, aux traits fripés de sommeil ou d’inquiétude.
    – Mon bon Jean ! Le fils du chevalier au Vert Lion m’a offert un noir coursier, ce dont je lui suis reconnaissant… Mais j’ai mon destrier, j’y tiens… Je vous en fais présent car je vous aime bien… Holà ! Clément, amène-nous cette noble bête !
    Le cheval apparut, superbe.
    « On dirait Marchegai », songea mélancoliquement Ogier tandis que Jean de Hainaut s’inclinait devant Philippe VI, et tout en flattant l’encolure de l’animal :
    – Bon sire, je suis tout encharbotté (372)  ! C’est un présent… royal. Cependant, pour le jour qui se prépare, je préfère, tout comme vous, assaillir les Goddons sur mon cheval fidèle. Il sait se battre et nous formons un tout… Si vous le voulez bien, j’ai un mien chevalier montant un roncin de manant… Pourrais-je, avec votre assentiment, lui en faire don ?
    Le roi eût pu se courroucer ; il semblait de bonne humeur :
    – Qui est-ce ?
    – Thierry de Senseilles.
    – Qu’il approche !
    Un garçon maigre apparut, vêtu de mailles grises et coiffé d’une vieille cervelière dont le nasal éclipsait presque tout son visage. Il était jeune : seize ans, pas davantage, et déjà chevalier.
    – Senseilles, prends ce cheval ; il est tien, dit Philippe VI. Sachez l’un et l’autre vous montrer pleins de bachelerie (373)  !
    Puis, haussant la voix :
    – De la vaillance, messeigneurs ! De la vaillance ! Nous n’avons besoin que de cela et savons en posséder à outrance !… Roland !… Roland !
    Ce n’était nullement le début d’une incantation en l’honneur du martyr de Roncevaux afin qu’il s’entremît au mieux, là-haut, pour aider la Providence : le roi voulait son cheval. Un écuyer le lui amena ; il l’enfourcha lestement et tint les rênes lâches comme un homme disposant de tout son temps dans la conclusion d’une affaire. On lui tendit son bassinet qu’il posa bien d’aplomb sur son colletin, puis son épée, ses gantelets et son écu qu’il assujettit lui-même et poussa dans son dos.
    – On croirait voir César ! dit quelque part Blainville, la voix visqueuse d’un faux merveillement.
    – Hé oui ! approuva Alençon en se juchant sur sa selle avec l’aide du vieil Henri.
    Roland, nerveux dans son houssement de soie – réplique de la cotte d’armes royale – avait l’encolure haute, l’œil vif, le naseau mou mais palpitant. Tel chevalier tel cheval : l’adage, une fois de plus, se trouvait confirmé.
    – Messeigneurs, allons-y pour Dieu et le royaume !
    Flanqué d’un pennoncier et du porte-oriflamme, – la vieille oriflamme décolorée avec laquelle Philippe le Bel avait vaincu Édouard I er en Guyenne et les Flamands à Mons-en-Pévèle –, suivi de ses nobles alliés et de sa grand-baronnie, Philippe VI avança lentement. Et chaque Abbevillois penché à sa fenêtre enfin déclose

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