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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’un émail… Ici et là, un ruisselet vivace… Rude tâche que celle qui l’attendait ! Il faudrait, pour que tout renaisse à Gratot, œuvrer de l’aube au soir de part et d’autre des murailles. Il lui incomberait de donner à ces Normands, ces Bretons, ces Génois, le sentiment d’édifier et de consolider en partie pour eux-mêmes. Certains pourraient se plaire et souhaiter demeurer au château. Pour éviter les dissensions, il suffirait de surveiller les femmes…
    Voulant chasser de son front une goutte agaçante, ses doigts gantés de fer touchèrent son bassinet… Quitter ce pesant harnois quelques jours… Vivre en huron ! Ne plus sentir le poids de l’épée à sa hanche… Sous l’ombre tamisée du viaire déclos, son visage prit une expression ardente, décidée : malgré le trépas de Blainville, rien ne serait simple ; mais rien ne s’opposait plus aux mouvements et à l’espérance.
    – J’ai hâte, dit Thierry, de voir les tours au-dessus des arbres !
    Sa voix claire frémissait d’un trouble que chaque pas de son cheval, sans doute, aggravait. Comment Aude l’accueillerait-elle ?
    – Je logerai les hommes dans une des écuries, dit Ogier. Ils se tailleront des lits et des sièges, mais je les veux midi et soir à notre table…
    Ils s’engagèrent dans une forêt. Des bouleaux, troublant parfois les colonnes des chênes, projetaient dans la pénombre une clarté de suaire. Plus de vent. Les arbres se figeaient dans une sorte de dignité, d’attente et peut-être d’ennui. Un coucou lança son appel absurde. Puis la feuillée se clairsema : Ogier vit au-dessus de lui des mouettes au vol feutré, au cri pointu ; et devant, dans les verdures soudain déchirées, un clocher se faufila ; des tours coiffées d’ardoise jaillirent.
    – Nous y sommes presque, les gars !
    Disant cela d’une voix que l’émoi rendait chevrotante, Thierry montrait l’allée menant à la jetée, au-dessus de laquelle s’éployaient des branches si basses que Joubert et Le Guevel durent pencher leur bannière.
    Le château semblait n’avoir subi aucun autre dommage que ceux auxquels il avait survécu. Entre les deux ailes aveugles, le pont levé gardait, au revers de son tablier, les flèches pourrissantes, et sous le ciel ensoleillé, le vaisseau de granit conservait le même air maussade et résigné. Nul bruit, à l’intérieur. Les soudoyers s’interrogèrent du regard.
    « Que puis-je leur dire ? » se demanda Ogier.
    Il les avait prévenus qu’ils trouveraient un château triste et des gens mal heureux. Il n’avait rien à ajouter mais comme à son retour de Rechignac, en présence de ces murs blafards ici, verdâtres là, et des toitures affaissées, il frissonnait d’émoi, de plaisir et de crainte.
    – On dirait qu’il n’y a personne, dit Le Guevel.
    – Mais si ! dit Thierry pour se rassurer lui-même.
    – Faudrait forhuer (436) , proposa Le Hanvic.
    Il emboucha son cor et souffla puissamment. Aussitôt, derrière le pont, une voix qu’Ogier reconnut demanda :
    – Qui va là ?
    – C’est moi, Ogier, Marcaillou. Champartel et des hommes d’armes m’accompagnent. Cours prévenir mon père et ma sœur… et fais baisser le pont !
    Il y eut un cri joyeux : Raymond se trouvait là.
    – Je vous ouvre, messire ! dit-il. Je vous ouvre !
    Ogier et Thierry mirent pied à terre ; leurs compagnons en firent autant, sauf Joubert et Le Guevel qui, se conformant aux décisions reçues le matin même, demeurèrent immobiles, leur bannière maintenue bien droite sur l’étrier.
    Le pont-levis grinça, les chaînes cliquetèrent ; des clartés s’allumèrent aux cintres des portes piétonne et charretière, et bientôt, abandonnant le Blanchet à Tinchebraye, Ogier eut accès à la cour pelée, ceinte de murs et de bâtiments dont la massiveté le rassura. Raymond lui donna l’accolade. Il pleurait. Les chiens accoururent : quatre parmi lesquels Saladin aboyait, sautait, gémissait et, frappant du museau la jambière de fer, réclamait des flatteries.
    – Tu m’as manqué, sais-tu ? dit Ogier en frottant la tête et le cou frémissants du grand chien jaune.
    Derrière, les soudoyers demeuraient immobiles, indécis, regardant attentivement cette demeure éprouvée et ces communs, ces étables d’où sortaient des serviteurs hâves, de miséreuse apparence, mais tous gais, battant des mains, certains même criant : « Noël ». Et déjà, Thierry

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