Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
ayant entendu son nom, Bazire demanda :
    – Que va faire Édouard, maintenant ? Il a quitté la Normandie et le Ponthieu sans espérance de retour et semble marcher vers Calais… Il nous a vaincus et paraît s’enfuir !
    – Édouard manque d’hommes pour demeurer en Normandie ou ailleurs, dit Ogier sans se retourner. De plus, il affronte aussi les Escots (433) … Je crois que sa Guyenne lui suffit : de même que l’Angleterre, elle est un nid d’où il sort pour fondre çà et là sur notre royaume. Il y sème la mort et les destructions puis s’en revient chez lui jouir de son butin et réparer ses forces…
    Et à Thierry :
    – C’est pourquoi j’ai peur que ce dévoreur ou son fils… ou Chandos ou Derby ne s’en prenne désormais au Poitou (434) …
    – Quelle haine, tout de même, envers notre roi !… Je n’oublierai pas cette journée d’Amiens où Philippe VI s’est saoulé pour oublier toutes ses misères !
    – Mais avant, il s’était montré notre obligé. Sa largesse à notre égard fut la très bien venue… Argouges et Champartel, il n’avait que nos noms à la bouche (435) .
    De sa paume, Ogier frappa son poitrail de fer derrière lequel, précautionneux, il portait une escarcelle beaucoup moins alourdie d’écus que celle de Thierry – qui l’imita. Ils rirent. Puis Ogier retomba dans cette espèce de mélancolie et d’insatisfaction dont il souffrait depuis quelques jours :
    – Il me reste à châtier Roland de Sourdeval, Amaury de Lôme, Michel de Fontenay. Quant aux clercs, Huguequin d’Étreham et Adhémar de Brémoy, sans doute les trouverai-je au manoir de Blainville… De par le roi, je leur crierai d’en sortir…
    – Ils hurleront des réfutations, peut-être des insultes… jusqu’à ce qu’ils apprennent que Philippe VI vous a délivré une lettre patente attestant que les Argouges sont rétablis dans leurs droits et dignité… Une lettre un peu plus longue que la mienne, certifiant que j’ai quitté mon état de huron pour celui de chevalier…
    – Je ne t’ai jamais pris pour un huron.
    – Sauf, messire – tiens, vous voyez : la sujétion me revient – quand j’ai commencé à porter les yeux sur votre sœur !
    – C’est vrai… Désormais, je suis fier de t’avoir pour beau-frère !
    Ils rirent sans amertume, puis Ogier serra les lèvres en une lippe de regret :
    – On ne tue pas les clercs, même s’ils sont mauvais. Je ne sais ce que je ferai de ces deux-là. Je demanderai conseil à mon père… Il est temps que nous arrivions : mon armure me pèse mais, Thierry, puisque nous avons un grand espace, là, sur le parvis, laissons la voie aux hommes afin qu’avec tous ces manants ébaubis de nous voir, nous les regardions une dernière fois en bon arroi, avant d’atteindre Gratot.
    Côte à côte sur leurs chevaux immobiles, dans l’ombre de la cathédrale, ils assistèrent au passage des soudoyers dont, pour un temps, Ogier s’était attaché les services. Puisant et repuisant dans l’escarcelle royale, généreux mais nullement prodigue, il en avait engagé quatre à Amiens, trois à Rouen, deux à Elbeuf et trois à Brionne. Il y avait là six Normands, quatre Bretons et deux Génois, tous survivants de Crécy, et leur recrutement s’était fait sans encombre. Ils montaient des chevaux de grands seigneurs occis. C’étaient des hommes durs et sans doute rétifs, mais tant qu’ils percevraient leurs écus et qu’il exercerait sur eux une autorité juste, ils obéiraient. Trois Normands – Joubert, Gardic et Delaunay – étaient natifs de Bayeux ; deux autres – Lehubie et Bazire – de Livarot, et le dernier – Tinchebraye – d’Orbec. Les Bretons – Mahé, Le Hanvic, Goasmat et Le Guevel – venaient de Nantes. Les Génois – Sapienza et Galéas – avaient appartenu aux compagnies de Grimaldi. Tous s’entendaient, du moins en apparence. Ogier ne leur avait rien demandé d’autre que de le bien servir pendant trois mois – solde payée d’avance –, et il les regardait passer, éprouvant, grâce à eux, un sentiment de puissance et d’orgueil.
    – Mes premiers soudoyers, Thierry.
    – Hé oui !… Ils sont beaux…
    Au petit matin, ils s’étaient lavés, rasés ; ils avaient fourbi leurs armes, leurs mailles ou leur cuirasse, de sorte qu’ils présentaient aux Coutançais de tous âges et toutes conditions une vision brève et précise de la détermination, de la force et de l’aventure.

Weitere Kostenlose Bücher