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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dont son cheval houssé de bleu paraissait s’inquiéter – à moins que ce ne fut des éperons fort longs, aux molettes étoilées, soudés aux talons des solerets à la poulaine.
    Quelque cris s’étaient élevés ; ils cessèrent. La face réjouie, Olivier de Fontenay annonça que messire Ruy Diego de Lerga tiendrait le champ contre Ogier de Fenouillet – ce qui était l’inverse de la vérité. Aussitôt, devant les dames, un jouvenceau vêtu d’une dalmatique mi-partie de vert et de bleu, chanta en s’accompagnant d’un luth :
     
    Il est preux, fils de preux, bel et aventureux
    Servant d’amour de deux belles chéries
    Honneur recherche en nos affronteries.
    Et bien joutant, se tiendra roide en selle
    Enflammera les cœurs d’une vive étincelle
    De vous toutes céans dont il charme les yeux.
     
    Ogier se sentit épié entre les fentes du heaume au bourdon : un cylindre de fer façonné en tête de grenouille. Il vit l’Espagnol saluer l’évêque, les notables, et immobiliser son cheval – un bâtard de genet et de normand, sans doute – devant la reine et ses compagnes. Son hommage fut souligné par des roucoulements et des cris joyeux, tandis que le ménestrel continuait :
    –  Gloire à toi, le frelon… Va piquer ce poing rouge !
    Les applaudissements crépitèrent ; Isabelle jeta une rose à l’orgueilleux, puis se tint coite ; et comme Lerga s’en allait prendre position au même lieu que Blainville qui, le mézail ouvert, l’attendait, Ogier pensa :
    « Un taon ! Ce n’est pas un bourdon mais un taon ! Son cheval est paré comme un Pape, le jour de la Fête-Dieu ! »
    Il nourrissait une fureur terrible à l’égard de ce malfaisant, et nullement parce qu’il avait agressé Blandine ; un nom, Gerbold , illuminait cette haine.
    « Dieu et saint Denis, si vous me voyez présentement, aidez-moi à rendre justice ! Donnez-moi le courage, la vigueur et l’apperteté ».
    Il était oppressé, la gorge douloureuse, et puisait dans l’amertume d’avoir vu la reine manifester sa bienveillance à cet infâme une ardeur neuve sans laquelle la course à venir eût manqué d’intérêt. Il triompherait. Vengeance dure. Châtier ce Lerga serait non seulement assouvir un plaisir ; ce faisant, il épurerait le royaume. Car il devait l’occire. Licitement… Y parviendrait-il ? Il le fallait… Quand il s’était adoubé, il avait titubé un instant, sous l’influence d’un vertige vermeil, en voyant passer au loin Blainville et son satellite. Oui, il avait vu rouge… Et maintenant, il voyait rouge encore : son esprit tourmenté macérait dans le sang.
    – Messires les jouteurs !
    – Es-tu prêt, Marchegai ?… Nous avons malmené Blainville. Ça va être Lerga… puis Passac, Guesclin, Charles d’Espagne, je ne sais dans quel ordre…
    Il tapota le cou du destrier.
    – C’est trop, j’en conviens. Péché d’orgueil dont je me repentirai plus tard… Il faut que tu m’aides, mon bon… Cours aussi vélocement que possible.
    Levant les yeux, il vit les bannières, les gonfanons, et, plus petites, les estranières (53) . Le vent les agitait de plus en plus fort, au point que leurs mâts, plantés dans la lice, une toise en deçà de la clôture, tremblaient.
    Mais il n’eut pas à méditer sur la beauté du ciel et les frémissements de ses soyeuses diaprures : Raymond lui tendait une lance.
    – Elle est bonne, messire, du talon au rochet.
     
    *
     
    Galopant près de la barrière à la toucher, augmentant son allure de toise en toise, Marchegai fondit sur Lerga et son cheval avec la violence d’un torrent.
    Les heurts des rochets sur les écus furent d’une force extrême. Le Navarrais hurla, le poignet démis sans doute, et bascula tandis que sa lance, entière, glissait de son aisselle.
    Entraîné par l’élan à peine interrompu de son destrier, Ogier ne vit plus rien mais entendit, liés ensemble, un long hennissement et les hurlements de la foule ; puis un fracas de fer.
    « Il est tombé ! »
    Il retint Marchegai et d’une ébrillade, fit demi-tour.
    Devant les tribunes dont tous les spectateurs, debout, se penchaient, Lerga gisait, immobile. Trois hérauts, le Roi d’armes et le juge Augustin couraient vers lui. Un maréchal de lice retenait le cheval du Navarrais ; il ruait, hennissait à pleins naseaux. Du sang rougissait son houssement déchiré.
    – Que se passe-t-il, messire Fontenay ?
    Ogier s’était abstenu de relever sa

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