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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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aide aussitôt apporta l’arme. Raymond, Thierry et Marcaillou la couchèrent et l’examinèrent. Denis, du doigt, toucha le bois au milieu de la dépression de la prise :
    – Il y a un gros nœud que la peinture cache à peine.
    – Donnez-en une autre, dit Thierry.
    – Voilà bien des difficultés… commença le maréchal de lice dont le cheval trépignait.
    – Qu’on change ce glaive, dit en apparaissant le gros Augustin.
    Il employait le juste mot pour désigner la lance, devinant peut-être combien ces trois affrontements – et surtout le dernier – dépassaient, pour les deux contendants, le champ clos des liesses chauvinoises.
    « Il a de l’intérêt pour moi parce que je me comporte bien et que peut-être il vomit Blainville. »
    On proposa une nouvelle lance. Celle-ci satisfaisant tous les hommes, y compris le juge, Ogier l’empoigna. Il allait se rendre à son aire de départ lorsqu’il se ravisa :
    – La sangle… Qui a la sangle ?
    – Moi, dit Raymond. Je la porte à ma ceinture.
    – Ote-la, vérifie les harnois et place-la où tu sais. Vous autres, aidez-le !
    Cette sangle de cuir large, épais, dont un croc bien rivé prolongeait chaque bout, Thierry l’avait confectionnée à Gratot ; elle était aux mesures de Marchegai. Pendant que Denis et Marcaillou retroussaient le houssement du cheval, Raymond accrocha une extrémité à l’un des étriers d’Ogier, puis glissant sous l’animal, à l’autre.
    – Ce sera, compagnons, un coup difficile.
    Ce tour-là, il l’avait appris de son oncle : ainsi, maintenu par le bas sur sa selle, il pourrait se pencher davantage, esquiver de face ou obliquement sans crainte d’être renversé. S’il tombait, il serait traîné et piétiné par son cheval, mais il refusait d’imaginer un pareil meschef (51) .
    – Prêt, dit-il.
    Dédaigneux de ces préparatifs, le maréchal de lice s’éloigna.
    « Il ne m’aime pas ; sans doute est-il accointé à Blainville. »
    Dès lors, Ogier ignora son adversaire. Après avoir apaisé Marchegai d’une caresse, il enroula soigneusement la rêne dans sa senestre qui, sous le cuir du gantelet, commençait à se poisser de sueur.
    « J’ai le temps d’appuyer mon écu contre moi. »
    Il saisit la lance que Thierry lui tendait pendant que Marcaillou, juché sur le montoir, inspectait la base de son bassinet, son colletin, ses épaulières.
    – Ça tient bien… Vous pouvez courir, messire.
    – Tu ferais un bon homme d’armes.
    – Il se peut, mais je n’ai pas le goût du sang.
    – Eh bien, moi si… surtout maintenant !
    Rassemblant, durcissant sa volonté, Ogier sentait monter dans son buste et son bras dextre une force tellement crue qu’elle en devenait douloureuse. Vaincre ! Vaincre et humilier le superbe Blainville ! Lui faire mal… La crainte et l’aversion l’emplissaient, suintaient de ses pores : il transpirait au point de geler sous ses fers. L’autre, en face, ne se pressait guère. S’était-il désheaumé pour reprendre haleine ? « S’il savait qui je suis, il se hâterait !… Ah ! père, que n’êtes-vous présent pour le voir souffrir. » Plus le temps passait, plus il s’alourdissait de doute, d’anxiété ; se dire : « Je suis robuste » ne changeait rien à une incertitude pire que celle des deux préparatifs précédents. Ce griffon branlant au sommet de la coiffe de fer – et qu’il distinguait à peine – lui faisait horreur. Animal immonde… Homme répugnant… Il eût aimé pouvoir hurler : «  Approche, marmouset, approche ! » Force et courroux dans son rochet sur lequel le soleil posait une goutte d’argent.
    « Ah ! il est prêt. »
     
    *
     
    Ils s’élancèrent au même instant. Couchèrent le bois pareillement. Quoique différents, ils étaient le reflet l’un de l’autre. Leurs chevaux également.
    Les galops martelaient le silence.
    Agrippé à sa lance et à son écu, faisant corps avec son destrier, Ogier devenait centaure. C’était lui qui des quatre fers courait au-devant du félon, solidifiant sa volonté, développant son ardeur. C’étaient ses puissantes foulées qui violentaient le sol.
    « Tu vas voir, saligot… Tu vas voir, tu vas voir ! »
    De grandes palpitations le flagellaient ; un spasme broyait sa gorge.
    « Je suis bien afusellé (52) . Je vais t’ébahir de prime face ! »
    Comme toujours, il ne voyait pas Marchegai, mais Blainville surgissait au bout de sa lance.
    Il

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