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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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respectueusement comme des dépouilles opimes.
    – C’est consterné qu’il abandonne, dit le juge Amaury.
    – Mais il sera du tournoi. N’Est-ce pas, messire ? demanda Olivier de Fontenay, cauteleux.
    – Si je peux… si je peux, bredouilla l’Espagnol.
    Ogier agita son gantelet, fit tourner Marchegai et rejoignit ses compagnons. Il riait, mais à peine. « J’aimerais bien savoir ce qu’en pense Blainville ! » Cet incident n’avait dû abuser personne à l’intérieur de la lice ; surtout pas le Roi d’armes et le juge Amaury. Quant aux spectateurs, tous connaissaient plus ou moins le vaincu de réputation : ils devaient s’ébaudir de sa chute et de sa retraite.
    – Alors, messire ? dit Champartel. Vous m’empêchez ainsi d’avoir affaire à lui !
    – C’est un couard… Il pourrait courir et n’y tient plus.
    – J’aurais mieux fait de me montrer aux commençâilles.
    – Où vous auriez été peut-être occis, Thierry, dit Marcaillou. Je les ai vus s’affronter pendant que vous dormiez au bord de la rivière… Croyez-moi, si cette passe d’armes s’est achevée ainsi, par le retrait de cet eunuque, c’est que Dieu l’a voulu…
    Mais l’écuyer s’énervait ; des gouttes roulaient sur son front large, agrandi par le rasoir, et sa bouche avait un pli mauvais :
    – J’ai envie de savoir ce que je vaux ! Je me fais l’effet d’être un bon à rien.
    Ogier se sentit gagner par la colère :
    – Merdaille ! Je manque d’air, tu m’obliges à parler !… J’ai trouvé ce que tu vas faire afin d’apaiser ton attayne (59) . Tu t’es apitoyé pour dame Berthe… Va trouver Bouchard de Noyant, le cornu, son époux… Et si tu te sens de force, ensuite, va frapper la targe de son ennemi, dont je ne sais plus le nom… Et n’en fais surtout pas davantage !
    Un cavalier s’approchait. Un tabard noir, soyeux, couvrait ses mailles ; son cheval houssé de sombre portait de grands faucons d’argent de l’encolure à la croupe. Son cimier, un faucon, brillait.
    – Passac, messire !
    – Hé bien, Thierry, ce fourbe ne perd pas de temps !
    Ogier frissonnait de joie. « Le voilà devant moi, comme je l’ai tant souhaité ! » Un soupir : « Dommage qu’elle ne soit pas là ! » Passac immobilisait son cheval, une noble bête :
    – Prêt, Fenouillet ?
    Mézail ouvert en grand, il était beau comme un archange. Le cœur d’Ogier battit plus ardemment sous un surcroît d’abjection et de haine.
    « Félon, tu ne dois pas revenir en Guyenne… ni rejoindre tes amis sous la maison du chévecier ! »
    – Je suis prêt, messire, à vous souhaiter le bonsoir !
     
    *
     
    « Il me plairaît de t’enfoncer ce rochet-là dans la goule !… Que Tancrède ne te reconnaisse plus… ou mal… En te sachant borgne ou édenté, tu perdrais cette hautaineté qui plus encore que la perfection de tes traits accroît ta séduction auprès des femmes… Ah ! je voudrais que tu sentes ta bonne chance tourner… Tu me crois las et tu as raison : je commence à mal supporter la peine. Et mes fers !… Mais Dieu me voit, Blandine également… C’est sa foi que tu vois à ma cubitière… Toi, tu ne portes rien. Tu n’aimes rien. Vicieux et plus Goddon qu’un vrai !… Où rencontrais-tu Tancrède quand elle était à Lubersac ? Comment l’as-tu subjuguée ? Tancrède !… Comment la forniquais-tu ?… Lui arrachais-tu ces soupirs qu’elle m’a refusés ?… En redemandais-tu ? En redemandait-elle ?… Et ta femme : Blanche ? Elle et Tancrède s’aimaient-elles autant que cette garce me l’a dit ?… Tu parais d’ici bien petit. Ton cheval se cabre. Nerveux… Tu dois trop l’abrocher. Un goussaut (60) qui vaut peut-être Marchegai… Je m’ennorte (61) à te saigner. J’y parviendrai ! »
    – Hue, Marchegai !
    Il devait se montrer à lui-même excellent. Précis. Accomplir son dessein d’exécuter Passac. Il n’avait que faire, à présent, des conjectures longtemps figées en lisière d’une pensée occupée désormais à extraire de la course de Marchegai toute sa puissance, et à fournir, grâce à son cheval, le coup décisif.
    « Mon rochet haut… ajusté… »
    – Va ! Va ! Marchegai !
    « Mon rochet… Qu’il te… »
    Le faucon de l’écu éclata. Les rivets maintenant les planchettes de bois craquèrent. La lance vengeresse, ployant à peine, creva des mailles. Rochet et hampe s’enfoncèrent dans du

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