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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tomba de tout son poids et son courroux sur le flanc de son ennemi.
    L’écu au griffon d’or craqua, céda, vola, ses courroies arrachées.
    La lance se rompit en claquant comme un fouet.
    Blainville demeurait-il en selle ?
    « Et moi, je souffre… Oh ! je souffre… »
    Sans crainte d’erreur, le garçon reconstitua ce passé immédiat dont le fracas lui restait dans l’ouïe. Il venait de subir un heurt affreux, «  une tempête de métal à déraciner un arbre  » ; toutefois, glissant sur sa gauche sans crainte de verser, son écu avancé à la rencontre du rochet adverse avait accueilli celui-ci en plein centre tandis que Marchegai, irrésistible, continuait sa course sans s’écarter de la barrière. Son arme brisée, Blainville, chancelant, prêt à vider les arçons, bramait de mécontentement et de surprise.
    Oui, ç’avait été un choc féroce et pour lui, Ogier, un apaisement à la déplaisante agitation dans laquelle il s’était trouvé lors de la présentation des jouteurs. « Je l’ai vaincu courtoisement, je le vaincrai autrement ! » Mais que décideraient les officiers d’armes, les juges et les dames  ?… Allons, pourquoi ce souci ? Malgré sa puissance et une renommée peut-être outrancière, Blainville ne l’avait jamais dominé… S’ajoutait à cela une autre certitude – inquiétante : il avait mal au côté gauche ; un élancement profond et lourd.
    « Pourtant mes os, mes muscles, mon écu, mon armure ont tenu ! »
    Jetant sa hampe rompue dans son premier tiers, il se retourna : Blainville revenait à son aire de départ, penché, atteint dans son corps autant que dans sa vanité – gémissant peut-être.
    – Beau !… Beau, compagnon… Tu mériterais un prix.
    Ogier arrêta son cheval devant le Roi d’armes, qu’il salua. Olivier de Fontenay lui montra un visage austère. « Il souhaitait voir Blainville m’anéantir ! » Laissant cet homme à sa déconvenue, il mena Marchegai vers la tribune des dames.
    Groupées autour du chevalier d’honneur, immobile et maussade, elles l’accueillirent joyeusement. Apercevant Blandine, debout, rieuse et confiante, il eut un geste à son intention, puis un autre pour toutes ces femmes et pucelles parmi lesquelles Isabelle restait figée. Un héraut d’armes courut jusqu’au milieu du champ et annonça, la voix tonnante :
    – Messire Richard de Blainville ne se tient aucunement pour quitte envers messire Fenouillet. Il affrontera de nouveau le chevalier au Poing Vermeil à l’issue de ces joutes, si toutefois quelque adversaire ne le malmène pas avant !
    Des «  Oh ! » et des «  Hou ! Hou ! » enjoués ou indignés soulignèrent cette restriction. Ogier reprit son cheminement vers ses amis, un peu marri qu’aucun héraut ne chantât ses louanges, mais il n’eût acquitté le moindre sou dans cette intention.
    – Vous l’avez ébranlé, messire ! s’exclama Thierry. Son plastron a fait boum !
    Marcaillou détacha la sangle des éperons et Raymond se saisit de l’écu exulcéré par les coups.
    – Voulez-vous descendre, messire, que nous regardions votre armure ?
    Ogier mit pied à terre. Le fait qu’il eût négligé le montoir souleva chez les curieux groupés autour de lui des murmures admiratifs. Il laissa ses gens l’examiner du colletin aux jambières ; et comme il s’apprêtait à commenter brièvement sa course – l’air lui manquant un peu – il aperçut, venant à lui, Olivier de Fontenay :
    – Messire Fenouillet… Messire Lerga est disposé à courir maintenant contre vous.
    Économisant son souffle, Ogier approuva de la tête et des épaules, alors que Thierry protestait :
    – Vous devriez attendre un tantinet, messire !… Il faut reprendre des forces.
    – Des forces ! Des forces !… Devant un goguelu de cette espèce, Champartel, j’en aurai toujours grande suffisance !
     
    *
     
    Le Navarrais apparut, étincelant, son gros bourdon frémissant sur son heaume. Il y eut des murmures car il portait à chaque cubitière une emprise de couleur et de qualité différentes : un voile de soie noire, un autre de tissu bleu, fade : de la futaine. Il avouait ainsi posséder deux amantes : une noble – la soie –, une humble : cette étoffe grossière dont un moine eût pu se faire un cilice. À lui seul ce coquin voulait emplir l’arène : il avait payé des ménestrieux et leurs trompettes lançaient aux quatre coins du pré des sonneries aiguës

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