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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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importaient leurs sentiments à son égard. Déchiquetant un os à pleine bouche, Blainville les observait, Isabelle surtout, prenant ainsi l’aspect d’un fauve.
    – M’amie, songez à ménager la jalousie d’un prud’homme !
    Il venait de comprendre : Isabelle se montrait d’autant plus provocante qu’elle savait, ainsi, attiser la fureur de ce puissant. Qui des deux en pâtirait le plus ? Lui, Ogier, ou elle ? Lors de son arrivée à Morthemer, elle avait souhaité l’occision de Blainville. Pourquoi ? Elle lui devait présentement sa couronne.
    Balançant doucement les atours dont elle était coiffée, dame Alix regagna sa place ; Isabelle s’assit et tout en jouant avec son couteau à manche d’or gravé aux armes des Chauvigny :
    – Vous n’auriez pas dû me repousser !
    Ignorant ce reproche, Ogier s’adressa aux convives sous le regard ennuyé de Thierry :
    – Je ne suis, nobles dames, messeigneurs, messires, qu’un chevalier sans fortune, et c’est pourquoi les deux chevaux et armures de fer que j’ai gagnés suffisent à ma satisfaction d’avoir été un des meilleurs… Des cœurs, cette journée, ont battu pour moi. Je leur en suis reconnaissant, et comme je préfère les actions aux mots…
    Il se pencha vers Isabelle, le coffret d’émail à la main :
    – Reine, gardez ceci en souvenir de moi.
    Elle saisit le joyau en tremblant, cramoisie de plaisir et de stupéfaction tandis qu’après avoir quitté son banc, le vainqueur marchait résolument vers Blandine, pâlissante de crainte et d’émoi :
    – Damoiselle, j’avais mon bassinet clos, mais je sais que vos yeux m’ont rarement quitté… En échange de cette boucle de ceinture que vous m’avez jetée et que je conserve sur mon cœur ; en échange de ce volet de soie que j’ai porté noué à ma cubitière, daignez accepter ce pentacol, le plus précieux de tous puisque dame Alix d’Harcourt l’a porté un an à son cou avant de me l’offrir si gracieusement… Levez-vous, je vous prie…
    Une femme applaudit : la donatrice.
    – Par la Vierge, dit-elle, c’est la première fois que je vois céans un chevalier comblé d’honneurs accomplir pareilles largesses !… Je ne sais, messire Fenouillet, qui vous a enseigné d’aussi bonnes manières… Votre mère, sans doute ?
    Ogier serra les dents et n’osa regarder Blainville, de crainte de se trahir :
    – Hélas ! belle dame, dit-il la voix brisée, j’ai dû vivre loin de cette douce femme et n’ai, à mon retour, retrouvé qu’une tombe.
    Il n’eut aucun souci des Berland tandis qu’il passait le collier de gros chaînons à leur jouvencelle. Avec joie et passion, il effleurait son cou de nymphe, et comme elle baissait le front, il l’y baisa en son milieu, et ses mains retombèrent.
    – Messire ! gronda Herbert Berland.
    Ogier dévisagea ce seigneur en lequel il n’avait jamais trouvé autre chose qu’un adversaire. Il le vit laid, bête, juste digne d’être cocu, ce qui rendait compréhensible l’extrême beauté de cette fille qu’il surveillait comme un trésor. Et voyant dame Berland se pencher, l’humeur semblait-il adoucie tant pour l’honneur fait à sa pucelle que pour la valeur du présent, il lui sourit en se forçant un peu :
    – Dame, c’est prouesse également, en vérité, que d’avoir mis au monde une damoiselle d’aussi parfaite splendeur !
    Ensuite, sans se soucier des conséquences de sa louange, il s’éloigna, cerné par un silence auquel il trouva une qualité rare, emportant dans son esprit la flamme rousse des prunelles de Blandine et sur ses lèvres le goût miellé de sa chair.
    Restait le bracelet. Il évoqua tendrement Aude, si belle, elle aussi ; puis Hérodiade, si hargneuse quand elle criait pour qu’il vainquît ses contendants. Mais sa sœur était loin, et en offrant un objet de grand prix à la bateleuse, il l’indisposerait en même temps qu’il replongerait Denis dans sa jalousie.
    Saisissant le précieux ornement, il s’approcha de Radegonde Bochet légèrement empêtrée dans sa robe de couvrechef (108) rouge aux manches gironnées, à l’encolure audacieuse sur laquelle, parfois, Guichard d’Oyré lançait une œillade.
    – Dame ou damoiselle, je ne sais… Mais ce que je sais fermement, c’est que lorsque je songerai, plus tard, aux joutes de Chauvigny, je verrai paraître, entre autres bonnes images, une dame gente et acesmée (109) dont les cris m’atteignaient au

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