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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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phrases d’une éloquence parénétique (105)  ; elle n’obtenait qu’une platitude. Oyré se hâta d’ajouter fadement :
    – Je n’ôterai ce lien, j’en fais serment, que lorsque j’aurai obtenu le pardon et l’amour d’une dame.
    Et brusquement l’index en avant, la voix grondante :
    – Hé oui, Fenouillet ! Qu’avez-vous à sourire ?
    Décidément, cet homme-là était un sot. Dominant son mépris, Ogier se fit aimable, et même débonnaire :
    – Je ne souriais pas, messire. Tout d’abord parce que cette cérémonie ne saurait me mettre en joie, ensuite parce que vous ne m’inspirez nulle gaieté. Vous êtes triste, en vérité…
    – Comme ?
    Ogier regarda la compagne du capitaine et lui trouva un air fort putassier.
    – Comme une épée en quête d’un fourreau.
    On rit ; Oyré se rassit en grognant tandis que sa voisine l’admonestait à mi-voix. Les mots qu’elle employait devaient être assez crus : le rustaud en rougissait.
    – Soit, disait-il avec une sorte de repentir sous lequel bouillonnait de la rage. Soit…
    Ogier, sans cesser de l’observer, sentait peser sur ses épaules, son dos, sa nuque, la menace d’une usure consécutive aux coups fournis et reçus, à laquelle s’en joignait une autre plus redoutable : Oyré le haïssait.
    Hautepenne souhaita d’être aimé comme Tristan l’avait été d’Yseult, les deux baillis également et Fontenay jura d’être loyal en toute chose. Le chevalier d’honneur l’approuva :
    – Pour demain, je fais vœu de faire de mon mieux.
    « En quel sens ? » se demanda Ogier que cet homme, trop nerveux, irritait.
    Oui, décidément, il était las. Peut-être avait-il trop mangé. Bien qu’ils eussent été accompagnés d’hypocras et de claret, les fouaces aux fritons, les boudins noirs et porcelets farcis d’œufs et de chair hachés, les rissoles et tourteaux, cailles et perdrix commençaient à l’étouffer. Il vida son hanap plein d’un vin de Surgères « délicieux », selon le bouteiller d’André de Chauvigny, s’abstint de roter, repoussa légèrement son écuelle et vit avec plaisir dame Alix battre des mains : on allait un moment oublier la mangeaille.
    Les musiciens réapparurent, jouant une pastourelle. Ils précédaient trois jouvencelles. L’une levait sur son poing ganté un faucon, la seconde portait un coffret d’émail champlevé ; la dernière présentait, sur un coussin de velours, un bracelet incrusté de pierreries. Ils firent quatre fois le tour des convives, et les musiciens repartirent.
    – Voici les prix, dit dame Alix. Venez près de moi, Isabelle.
    Tandis que la reine, aimable, obéissait, André de Chauvigny s’adressa au Roi d’armes :
    – Allez, Olivier, faites le héraut, cela vous sied à merveille !
    Ogier s’aperçut que le cygne était découpé. Des échansons emplissaient les hanaps. Il suait ; il s’ennuyait : Blandine avait un visage dur, pâle, affligé. Comment lui parler ? Comment lui dire qu’il ne se déprendrait jamais d’elle ? Après l’antagonisme lourd, avéré, de Guichard d’Oyré, il percevait celui de Blainville – dont il n’avait cure – et celui d’Herbert Berland. Son état d’esprit était plutôt celui d’un condamné que d’un vainqueur. En même temps qu’il essayait, à juste titre, de lever le menton, il avait l’impression vive, tenace, de flairer une conspiration qui, cette fois, ne concernait point le roi de France et son royaume déchiqueté çà et là, mais lui-même, tout simplement.
    – Messeigneurs, dames et damoiselles, proclama tout à coup Olivier de Fontenay, le prix accordé au chevalier le mieux frappant, celui qui fournit le plus de coups de lance et les rompit, matin et soir, jusqu’à ses deux dernières courses devant Ogier de Fenouillet, revient à Ferrant de Hautepenne !
    –  Montjoie ! hurla André de Chauvigny.
    Tous, hommes et femmes, Ogier compris, s’écrièrent : «  Montjoie ! Montjoie ! Montjoie ! » tandis qu’Isabelle, la main couverte d’un gant que venait de lui tendre une jouvencelle, prenait possession du faucon courroucé puis marchait vers le jeune chevalier, debout :
    – Messire Hautepenne, que Dieu ne cesse d’accroître vos honneurs et fasse que vous soyez toujours un des meilleurs.
    Elle offrit sa joue au grand gars blond à visage rubicond, tenant le rapace à distance, car c’était un faucon haiard (106) , prêt à tout pour obtenir sa liberté.

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