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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Alençon, béat, sous ses linges blancs, regardait le faucon et le faisan immobiles, pareils à des oiseaux empaillés. Espagne, quant à lui, n’avait qu’une seule main sur la nappe ; sans doute caressait-il de l’autre le genou de son jeune voisin, lequel se poussait autant qu’il le pouvait vers l’évêque.
    – C’est pourquoi vous dis-je, Dieu m’aidant, je n’ai aucun mérite d’avoir triomphé du renié (110) Passac de la façon que vous savez… et, ajouterai-je, de Radigo de Lerga, mort parce que Notre Seigneur a voulu qu’il pérît en partie par mon entremise.
    – Vous êtes bien hautain pour affirmer cela !
    – Messire Blainville, seriez-vous affligé par le trépas de ces hommes ? Je sais ce qu’ils valaient…
    – Ah ! tiens… Où les aviez-vous rencontrés ?
    – Peu importe.
    Blainville but un coup et faillit s’étrangler. « Vais-je trop loin ? » se demanda Ogier après avoir croisé le regard réprobateur de Thierry.
    – Poursuivez, demanda l’évêque.
    Puis il glissa trois mots à son jeune voisin, trois mots qui peut-être étaient : «  Laissez-vous faire. » Enfin, se redressant, il s’étonna :
    – Comment, Fenouillet, avez-vous pu atteindre cette perfection ?
    – Perfection est un bien grand mot, monseigneur !… Tout jeune, on m’apprit à tenir une lance.
    – Qui donc… Lancelot ? interrogea Blainville dont la face se vermillonnait.
    –  Qui ? Vous le saurez, messire, un jour ou l’autre… Mais le jour que Dieu choisira.
    – Dieu ! Dieu !… Vous vous cachez derrière Lui comme un Génois derrière son pavois !
    – Blainville ! intima l’évêque avec force. Ne parlez pas de Dieu comme d’un bouclier… et génois, ce qui est pis encore !
    Il se signa puis invita Ogier à continuer. Alors, s’adressant plus particulièrement à Herbert Berland, occupé à essuyer ses mains après le tablier apprêté en longière (111) , le champion poursuivit :
    – J’ai appris le métier des armes avec passion et mélancolie. Passion, puisqu’il fait d’un jouvenceau un noble homme ; mélancolie, puisqu’il permet de verser le sang au mépris du divin précepte : Tu ne tueras point. Mais comment ne pas occire la vermine ?
    Blainville, pour une fois, le regardait avec une insistance composée, en parties sans doute inégales, de malveillance et de pitié. Il en profita pour conclure :
    – Je conserverai jusqu’à ma mort le souvenir de Chauvigny… Le souvenir de votre accueil, dame Alix… et du vôtre, messire André… Et je ne vous oublierai jamais, dames et damoiselles… J’ai reçu ce soir des prix merveilleux, et plutôt que d’être fier et hautain à ce qu’il vous paraît peut-être, j’en suis réduit à l’humilité et au doute car, bonne ou mauvaise, la chance est chose fragile… Et je me dis : de quoi demain sera-t-il fait ?
    – Tu verras ! chuchota aigrement Isabelle.
    Radegonde Bochet se pencha :
    – Vous nous avez parlé d’un chevalier indigne : Guy de Passac. Connaissez-vous des Preux… s’il en existe encore ?
    – J’ai connu certains chevaliers méritoires souffrant d’injustices manifestes. D’autres sont morts dans des trépas suspects.
    – La justice est, hélas ! faillible, soupira l’évêque… Vous avez parfois le langage d’un clerc, Fenouillet : Dieu, les grandes vertus, l’horreur des iniquités…
    – Il est vrai, monseigneur, dit lentement Ogier.
    Il en avait assez de paroler ; assez des sourires de Blainville, Oyré, Rochechouart et Berland qui tous dissimulaient une aversion inflexible. Il les amusait, maintenant. Espagne le regardait comme un ennemi. Alençon buvait. Et les dames ? La plupart, enlisées dans leurs robes simples ou pimpelorées, semblaient lasses de l’entendre. Pierre de la Garnière fit tomber son pain et le ramassa.
    – Monseigneur, j’ai fini de conter mon histoire.
    – Elle est pleine de trous ! s’exclama Blainville, approuvé par Oyré. Dites-moi : Fenouillet est bien un nom de la Langue d’Oc ?
    – Oui, messire.
    – Vous en avez assez l’accent… Je ne connais pas cette contrée.
    – Vous la connaîtrez un jour, Blainville, puisque vous êtes partout !
    L’aiguillon venait d’Alençon, d’assez mauvaise humeur. « Tiens », s’étonna Ogier, « en voilà un enfin qui semble le détester… Et c’est le frère du roi ! » Pourrait-il se faire un allié de cet homme ?
    – On n’a rien sans mal,

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