Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
face.
    – Quand je vous avais dit, messire, que la male chance allait remplacer la bonne !
    Ogier ne répondit rien. L’inquiétude le gagnait. Un instant, il s’imagina auprès d’Alençon, dans la presse du lendemain. Les épées et les masses d’armes convergeraient vers leurs épaules et leurs heaumes. Nul écu, nulle targe pour se protéger. Contre eux, il y aurait forcément Blainville et Guesclin…
    – Messire, dit Thierry, voici notre pavillon… Je suis bien heureux de le retrouver !
    Un feu brasillait, dans lequel Hérodiade jetait des brindilles. Une ombre courut et jappa : Saladin. Et tout en caressant le chien à la queue remuante, Ogier grogna :
    – Je pourrais partir pour Paris, même s’il me l’a défendu, car à nous deux nous maîtriserions aisément ce sergent. Mais outre que les portes du palais me seraient interdites, j’attirerais sur moi la fureur d’Alençon…
    Assis en tailleur, Denis, Raymond et Marcaillou bavardaient. Apolline, la guenon, dormait sur une couverture. Ogier se pencha vers les bateleurs :
    – Vous ne m’aviez pas dit que vous aviez aussi fait scandale à Archigny…
    – Ça n’en valait pas la peine, assura Marcaillou.
    – Certes… Mais la mêlée a fait découvrir un Anglais !
    – Ça, c’est vrai !
    Et Denis à nouveau maussade ajouta :
    – On aurait dit un gars de truandaille, bien qu’il ait beau visage et grande allure… Il portait au cou un affiquet d’or avec, gravés dessus, trois léopards !
    – C’était celui d’hier, intervint Hérodiade. Vous savez, l’un des prisonniers auxquels Talebast a fait creuser les latrines… Et il avait assurément grande allure : je suis sûre qu’il mesure au-delà de six pieds.
    – J’en mettrais sept, dit Marcaillou.
    – Sept ou plus, enchérit Thierry.
    Ogier se souvint du géant dont le maintien digne, sinon méprisant, malgré ses fers, l’avait ébahi autant que ses compagnons. Ainsi, il subirait bientôt les sévices de Guichard d’Oyré !
    – Calveley est son nom… C’est tout ce que je sais.
    Sans doute ce Goddon ne reverrait-il jamais l’Angleterre à moins que le capitaine du château d’Angle, qui était de la conspiration – selon Blainville – ne fît en sorte de le libérer.
    – J’avais oublié qu’il était si grand.
    – Vous étiez trop occupé avec Talebast. Mais foi de Marcaillou, il doit vous dépasser de deux têtes !
    – Pauvre damoiseau ! dit plaintivement Hérodiade. Pauvre grand gars roux.
    – Il me semblait blond, dit Ogier.
    – Quelqu’un vous a troublé, dit Hérodiade, inquiète.
    Puis, sourcillant et montrant le vougier immobile :
    – Qui c’est ?
    – Un sergent du comte d’Alençon, répondit Champartel. Il nous sera très attaché jusqu’à demain.
    La jongleuse siffla et s’abstint de tout commentaire. Ogier bâilla :
    – Je suis las, dit-il. Veillez sur les chevaux… Et ce n’est pas parce que je vais dormir auprès d’eux, moi aussi, qu’il vous faut fermer l’œil tous ensemble !
    Il se tourna vers le vougier :
    – Tu peux poser ton arme et ronfler : je ne partirai pas.
    Et prenant Thierry par l’épaule :
    – Demain, dès que nous aurons reçu nos armes courtoises, nous nous adouberons et irons nous mettre à la disposition du comte…
    – Et ensuite, messire ?
    – Nous tournoierons, puisqu’il le faut, et confierons nos destinées à la divine providence.
    Thierry ne put se contenir plus longtemps. Son rire éclata, composé de fureur et de moquerie :
    – La providence !… La providence !… Je n’y crois guère, vous savez… Je la sens même prête à nous nuire !
    Il s’accroupit devant le feu auquel il présenta ses mains. Hérodiade bâilla, elle aussi : ensuite, elle étira ses bras nus, creusa sa taille flexible – impudiquement. Ogier se demanda si ces façons étaient destinées à Denis ou à lui-même.
    – La bonne nuit à tous, dit-elle. Même à toi, sergent ! Passe-moi de quoi me couvrir, Marcaillou…
    Elle s’allongea, les pieds près du feu, à côté d’Apolline, tandis qu’Ogier, d’un pas lourd, Saladin sur ses talons, marchait vers les chevaux dont les ombres noires, mouillées de lune, remuaient sous la feuillée.
    Ils s’immobilisèrent, nullement inquiets, à son approche. En fait, aucun d’eux ne le craignait. Il eut une pensée pour le cheval de Lerga. N’en trouvant pas l’utilité, il décida de l’abandonner au mire pour prix de leur

Weitere Kostenlose Bücher