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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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fourrures d’ours. Il avait changé les linges de son front contre un cataplasme ; une odeur de sédatif s’en dégageait, dont l’âcreté dominait celle du suif brûlant.
    – Je suis abalourdi, Fenouillet !… Là-haut, lors du régal chez Chauvigny, vous auriez pu me dire…
    – Je ne pouvais vous confier quoi que ce soit, coupa Ogier en se traitant de malappris pour avoir interrompu cet homme visiblement accablé. Là-haut, je ne savais rien encore de ce que je sais désormais…
    Il s’interrogea une dernière fois. Faisait-il bien d’avertir ce gisant de l’attentat ourdi contre sa personne ? Oui, à l’évidence. Devait-il se livrer à des révélations complètes ? Non, car ce n’était ni le jour ni le moment de confondre Blainville.
    – Parlez !… Qu’attendez-vous ?… Que je m’endorme ?
    Alençon dodelina de la tête sur son traversin et lâcha dignement un pet tandis qu’une de ses mains, émergeant des couvertures, caressait un pelage d’ours gris.
    – Messire, le royaume est menacé… Vous êtes menacé.
    –  Vous ne m’apprenez rien.
    La main qu’Alençon dissimulait encore apparut : elle tenait un percemaille.
    – Vous voyez, Fenouillet… Allons, parlez enfin… Qu’avez-vous à me dire ?
    Cette question posée, le comte enfouit sa senestre dans les draps, se mit à se tâtonner puis à se gratter vigoureusement. Ogier trouva que l’entrevue commençait mal.
    – Monseigneur, puisque vous savez, je n’ai rien à vous dire, et vous prie…
    L’œil du comte s’enflamma tandis qu’il sursautait si violemment que sa compresse glissa jusqu’à ses sourcils, dégageant un front rose et mouillé.
    – Demeurez, Fenouillet. Sachez que Blainville vient de me quitter après m’avoir appris la même chose que vous… Je suis content de savoir que vous êtes soucieux de ma vie, mais sachez qu’après ce que m’a dit ce dévoué Richard, j’ai pris mes dispositions…
    Le dévoué Richard sonnait avec ironie. La main du comte s’immobilisa sous les draps ; l’autre lâcha le percemaille dont la lame longue et pointue scintillait à peine.
    – Ces dispositions, monseigneur, messire Blainville a dû vous dire qu’elles consistaient…
    –… à revêtir l’armure de Vertaing et à lui prêter la mienne, car c’est au tournoi que Richard redoute l’assaut de mes ennemis.
    – N’en faites rien, monseigneur !
    La dextre du gisant bondit jusqu’à son front, agrippa la compresse et la jeta.
    – Hein ?
    – Monseigneur, renoncez… Gardez-vous d’agréer cet échange !
    Sans que les guetteurs l’eussent annoncé, Étienne de Vertaing pénétra sous la tente.
    – Qu’est-ce encore ? gémit Alençon. Ne puis-je donc rester en paix ?
    – Messire Blainville, monseigneur… Il exige d’entrer.
    L’écuyer accompagna cette annonce d’un geste qu’Ogier ne sut interpréter ; mais il songea : « Ce gars-là est-il allé prévenir le Normand, qui loge tout près d’ici ? Est-il de la conspiration ? » Une lassitude cette fois-ci non feinte apparaissait sur la face du comte, et la moiteur de son front n’était plus due à sa médication.
    – Soit, qu’il entre.
    Blainville apparut, le visage sévère, haletant, son chaperon passé dans sa ceinture et l’épée quelque peu dégagée du fourreau.
    – Pourquoi revenez-vous, Richard ?
    En même temps qu’Alençon posait sa question, Ogier se dit encore : « Il nous a peut-être suivis, Thierry et moi, après notre séparation des trois autres… Il s’inquiète depuis qu’il est sans ses complices… Il se sent seul ! » Poings aux hanches, le Normand justifiait sa conduite :
    – J’ai vu quelqu’un entrer en votre logis… J’ignorais que c’était Fenouillet. Et vous savez, Charles, que votre vie…
    Il s’exprimait avec une onction parfaite. Ogier fut écœuré par cette viscosité d’ailleurs si contraire à la sécheresse du personnage qu’Alençon, lui-même ébahi, l’interrompait :
    – Nous parlions de vous, Richard, et de ma précieuse existence. Je ne sais d’où Fenouillet tient ce qu’il vient de me rapporter, mais il m’a mis en garde, lui aussi, contre des larrons… euh… d’une malignité…
    « Va-t-il révéler à ce porc que je lui ai déconseillé d’échanger son armure ? Ne se doute-t-il pas que son plus grand ennemi, c’est cet homme ? »
    Blainville avait pâli. Ogier sentit sa poitrine s’écraser sous le poids d’une

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