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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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glissé sous ses paupières, intensément vivant – brûlant. Il ne s’endormit pas, du moins le lui sembla-t-il. Il s’accorda des revanches imaginaires, aisées, cruelles, contre Oyré, Blainville, Berland, Guesclin. Parfois, grelottant, il voyait un rivage de mer, des centaines de nefs immobiles et des hommes d’armes sur des coques de bois, ramant vers les terres ; de grands brasiers enfumaient les nuées, des cris de douleur passaient en tornades au-dessus des champs, des châteaux et des bourgs réduits en moignons noirs et cendres rougeoyantes. Son oreille bourdonnait, chuintait, mais la douleur ne cuisait plus sa tête, et le tournoi se poursuivait dans son esprit :
    Il se tenait au cœur de la mêlée, sur Marchegai, ruant et hennissant, et se battait âprement. Les taillants pleuvaient si dru sur son heaume que son Poing vermeil, à force d’en recevoir, saignait.
    Les gouttes rouges obscurcissaient la vue de son bassinet.
    Il était le plus hardi et dominait Blainville, Cahors, et d’autres, vêtus de mailles rouges et fumantes. Saladin, furieux, aboyait quelque part… Il emboursait des coups (192) mais en fournissait davantage. La haine et la peur l’encuirassaient.
    Se battre ! Se battre ! S’il tombait, il serait rompu, brisé aux quatre membres… Il atteignait Blainville et poussait un cri de victoire mais recevait un fendant si violent sur sa visière que celle-ci s’en trouvait faussée. On le transportait, frémissant de colère, chez un forgeron qui, dans l’ombre, l’accueillait avec un rire de satisfaction mauvaise. On lui mettait la tête sur l’enclume puis, à force coups de marteau, morsures de ciseaux et turcquoises (193) , on disjoignait enfin sa défense de fer. Alors, incrédule, il voyait l’homme auquel il devait sa délivrance : c’était Guichard d’Oyré.
    Il écarquilla les yeux. Ténèbres. Puanteur. S’y ajoutait aussi la fade odeur du sang : le sien.
    – Bon Dieu, quel songe !
    Dans ce trou, nul fracas, nul hennissement, nul aboiement, nulle plainte. Cette réclusion le rendrait fou. Il tressaillit :
    – Mais… mais on vient… On vient… Non, je ne m’abuse plus : on vient !
    L’angoisse renaquit, foudroyante. Lointains, retentissaient des cliquetis de fourreaux heurtant des genouillères.
    « Que me veulent-ils, maintenant ? »
    Serrant les dents, gémissant, grimaçant, ses mains soutenant ses attelles, il parvint à s’asseoir et à s’adosser au rocher, tandis que de l’autre côté de l’huis invisible des voix se mêlaient, tonnantes, irréelles. Et comme il retenait son souffle afin de mieux les écouter, un rire éclata, reconnaissable :
    « Blainville !… Pourquoi est-il venu ? Est-ce déjà vendredi ? »
    Qui d’autre l’accompagnait ? Bastien, peut-être. Et sans doute, avant d’accéder au fond de cet ergastule, le geôlier comme son capitaine s’était empêtré dans des mensonges à propos d’une jambe rompue…
    Ils devaient être quatre ou cinq. Pourquoi ?
    – Non, laisse-moi, Richard, dit une voix coléreuse qu’Ogier reconnut, elle aussi.
    « Harcourt ! »
    Blainville protestait :
    –… et il vaut mieux, te dis-je, en finir sans attendre. Ce Fenouillet sait des choses que nous seuls savons !… Par qui d’entre nous les a-t-il apprises ?… Il faut le questionner afin que de bon ou mauvais gré il nous livre le nom de ce traître… ou de cette traîtresse !… Ah ! là là, Godefroy, tu as commis pour ce petit hobereau une folle imprudence.
    – J’en conviens, mais ça en valait la peine. Il était temps que je te rejoigne !
    – Qui t’a dit que je venais ici ?… Allons, parle : qui t’a averti ?… Qui savait que je cheminais vers Angle ?… Que s’est-il donc passé depuis mon départ de Chauvigny ?… J’exige…
    – Tu sais que tu n’as rien à exiger de moi. Va-t’en !… Pars !… Rejoins les autres. Hé, toi, le sergent, obéis plutôt que de porter la main à ton épée… Bien… Toi, le geôlier, baille-moi ton clavier et suis ces hommes !
    – Et l’Anglais ? questionna Raoul de Leignes. Guichard d’Oyré m’a donné ce gros rouleau de corde pour que Bastien et moi on lui…
    – Pose-le sur cette roue… Ne vous avisez pas, surtout, de lier Calveley, car aussi vrai que mon nom est Blainville, vous vous en repentiriez !
    – Et sachez, dit Harcourt, que je ne délivrerai ni l’un ni l’autre.
    Les yeux exorbités, Ogier cherchait la porte tandis

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