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La fête écarlate

La fête écarlate

Titel: La fête écarlate Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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je vous le rappelle : c’est à moi de le géhenner vendredi, après le jugement… Messire Blainville…
    – Au diable ton Blainville ! Tu servais Morthemer avec moins de passion !
    – Il veut questionner ce gars-là. Il sait des choses qu’il n’aurait jamais dû savoir !
    Il y eut un tumulte, un cri de rage de Leignes, malmené sans doute, et foudroyante une douleur éclata dans la jambe gauche d’Ogier, entre le genou et la cheville. Son os avait craqué comme une branche morte ; sa jambe semblait s’être coupée en deux ; un brasier se répandait dans son membre.
    Il rugit de terreur. Son cœur semblait s’ouvrir, se vider. Le fessier disparut de devant son visage et dans la lueur sanglante des flambeaux, il vit Bastien, Eudes, Robert et Oyré, au-dessus de lui, ricanants. Il n’y avait aucune expression contradictoire dans ces faces penchées à quelques pouces de la sienne afin de mieux jouir de sa frayeur et de sa souffrance.
    – J’arrête, décida le capitaine. Faut dire que tu l’as cherché !
    S’il n’éprouvait aucun repentir, ce bourreau subitement apaisé craignait un blâme à la suite duquel il pouvait être destitué comme Talebast l’avait été au profit de Guillaume d’Allemaigne, à Chauvigny.
    – Faudra dire, les gars, qu’il s’est rompu la jambe dans l’escalier. Je parle surtout pour toi, Leignes !… Maintenant, déliez-le et jetez-le au trou !
    Ogier se retenait de gémir tandis qu’à la brisure, ses chairs semblaient rôtir et se décomposer.
    – Dieu vous châtiera tous !
    L’avaient-ils seulement entendu ? Sa rage, son désespoir le tourmentaient autant que cet os rompu dont il sentait ou croyait sentir les esquilles comme autant de petites dents occupées à dilacérer sa blessure.
    Des gonds grincèrent ; il fut délié, jeté à bas de l’appareil de supplice, empoigné et traîné par son col. Dans sa jambe inerte, raclant le sol, la douleur frappait à coups désordonnés.
    Il se vit passer sous un chambranle.
    – Voilà, dit Bastien en le lâchant. N’espère pas qu’on te soignera, et n’aie crainte : les rats ne te mangeront pas, ils n’osent descendre ici !
    La porte se ferma ; le garçon fut cerné, envahi de noir tandis que les autres, par-delà l’huis invisible, se querellaient.
    – Non, Bastien, hurlait Oyré, tu n’avais pas à l’occire. De toute façon, nous aurions eu Fenouillet… Pauvre Bernardet !… Remonte-le seul et jette-le dans l’Anglin. Et parce que tu t’es conduit comme un couillon, tu prendras la garde un mois, oui : un mois, seul, en haut du donjon… Et tâche de ne pas fermer l’œil, car cette roue, tu y passerais, toi aussi, et pour tes quatre membres !
    Allongé sur le flanc, Ogier abaissa sa main gauche le long de sa jambe, atteignit son genou, descendit encore, précautionneusement, et faillit crier en touchant sa chair à la fois creuse, enflée, poisseuse et palpitante. Cette fois, il succomba à la détresse :
    – Les galfâtres !… Ils m’auront peu à peu, de forcennerie en forcennerie… Même au cas où Dieu m’aiderait à sortir de cette tombe, comment pourrais-je redevenir ce que j’étais ?… Ils ont fait de moi un éclopé !
    Pleurer de douleur, de misère, d’abattement ? Non, jamais… Comment fuir maintenant ?… Un souvenir noya ses pensées. C’était quelques semaines après son arrivée à Rechignac. Son oncle l’avait emmené en forêt. Chemin faisant, ils avaient découvert un piège : un traquet aux mâchoires d’acier tachées de sang. «  Un renard  », avait dit Guillaume. «  Il s’est délivré en rongeant sa patte avec les dents qui lui restaient, car il s’en est cassé quelques-unes en s’acharnant après ces fers… Lui au moins, même en mauvais état, il a pu fuir : il n’était pas dans une basse-fosse ! Un piège, c’est un moyen de mort indigne, même pour une bête… Je ne me courrouce pas quand un de mes hurons prend l’arc après qu’il m’en a demandé permission ; mais quel qu’il soit, le piège est l’arme des lâches : il fait la mort lente et honteuse… Imagine-toi, gisant sur le sol, la jambe rompue, et perdant ton sang… Jamais, si tu le pouvais, tu n’aurais le courage de ce renard ; jamais tu n’oserais couper la partie de ton membre inutile… Allons, si je trouve celui qui a mis là cette horribleté, eh bien, je vengerai cette pauvre bête… » Il l’avait trouvé sans trop de peine, et

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