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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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mi-hauteur. Un chêne centenaire a littéralement explosé, projetant des esquilles en tous sens. La route leur paraît longue. Enfin se dessine le rempart d’un bâtiment. Non pas un château, plutôt une « maison forte », c’est-à-dire une demeure de petit hobereau entourée de hautes palissades. Bézélios identifie un couillard 3 et une bricole que des paysans s’emploient à mettre en position de tir. D’autres, courbés, roulent de lourds boulets constitués d’un agrégat de graviers et de tourbe séchée.
    Plusieurs machines ont été alignées au pied de la palissade, de manière à couvrir la campagne sur quatre côtés, comme pour décourager une hypothétique invasion. L’air sent la sciure et les copeaux. Des menuisiers travaillent sous la direction (mieux vaudrait dire : les injures) d’un gros homme affublé d’une jambe de bois articulée. Il s’agit manifestement du maître des lieux, Clovis Alexandre de Coquenpot, ingénieur en machines de jet. Il a le visage rouge et empeste la sueur. La boursouflure d’une longue cicatrice fend son crâne rasé, et des traces de brûlures maculent ses bras nus. Il se détourne du chantier pour saisir une gargoulette et s’octroyer une longue giclée de vin. Ses traits ne sont guère avenants. « On dirait un boucher, songe Wallah, l’un des comparses de l’ignoble Caboche. »
    Bézélios tente le tout pour le tout. Il s’avance, s’incline et, profitant de la stupeur du bonhomme, lui annonce qu’il vient de loin pour chasser le dévoreur. Retrouvant sa jactance de bateleur, il se présente comme un chasseur de grands fauves. Wallah reste muette, mais c’est elle qui retient l’attention de Coquenpot. Wallah, avec ses yeux trop clairs, ses cheveux presque blancs, ses pommettes saillantes de fille des glaces. L’ingénieur regarde l’arc turquois. Coupant court au discours ampoulé du forain, il lance à l’intention de l’adolescente :
    — C’est un arc mongol… Tu sais t’en servir ?
    Wallah répond simplement :
    — Le corbeau, au sommet du donjon.
    Et elle lâche une flèche qui transperce l’oiseau à plus de cent pieds.
    Coquenpot hoche sa grosse tête.
    — Belle arme, soupire-t-il, qui a tué bien des nôtres pendant la croisade. La seule capable de percer le métal d’une armure. Foutre ! un bien mauvais souvenir. Mais tu es sacrément habile, gamin.
    Comme beaucoup avant lui, il a pris Wallah pour un garçon.
    Il s’ébroue, revient sur terre et semble seulement s’apercevoir de la présence de Bézélios.
    — Tu parlais du dévoreur, l’ami ? gronde-t-il. Tu viens du bout du monde pour m’en débarrasser ? Alors je suis sauvé !
    Et il éclate d’un rire plein d’amertume qui s’achève en quinte de toux.
    — Venez donc me conter la chose en buvant un coup, soupire-t-il, il ne sera pas dit que je n’aurai pas observé les lois de l’hospitalité.
    En dépit de sa physionomie, l’homme n’est pas déplaisant. Il empeste le bouc et, lorsqu’il se déplace, sa jambe de bois émet d’étranges cliquetis.
    — Je l’ai fabriquée moi-même, lance-t-il en surprenant le regard de Wallah. J’ai perdu ma jambe dans le désert.
    — Blessure de guerre ? s’enquiert poliment Bézélios.
    — Même pas, s’esclaffe l’ingénieur. Piqûre de scorpion. Mon pied et mon mollet sont devenus noirs en l’espace d’une journée. Il a fallu trancher dans le vif avant que le poison ne gagne plus haut. C’est le baron Ornan de Bregannog qui a procédé à l’amputation, d’un seul coup de hache. Du travail sans bavure… J’ai bien failli en crever, mais bon, je suis solide. La jambe, je l’ai ramenée dans une jarre d’esprit-de-vin. Je ne voulais pas l’abandonner en terre barbaresque. Je veux qu’on l’enterre avec moi, quand je rendrai le dernier soupir. J’ai rédigé un testament en ce sens. J’exige qu’on la sorte de la jarre et qu’on la recouse à mon moignon. Il ne sera pas dit que je me présenterai incomplet au seuil de l’autre monde !
    Il rit encore, saisit un pichet de vin et remplit trois gobelets à la volée, souillant la table de grandes éclaboussures. Puis, se tournant vers Bézélios, il gronde :
    — À toi, baladin. Débite tes fadaises, j’ai grand besoin d’être diverti !
    Bézélios a compris qu’il lui faudrait jouer la partie finement. Il abandonne le ton du bateleur, prononce le nom de Moritius, le frère quêteur, et aborde le sujet de la bête.
    En

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