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La Fille de l’Archer

La Fille de l’Archer

Titel: La Fille de l’Archer Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Serge Brussolo
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l’écoutant, Coquenpot s’est peu à peu dépouillé de son déguisement de bon vivant. La joie forcée a déserté sa physionomie, laissant place à la fatigue, à l’inquiétude. Quand Bézélios fait allusion aux accusations de Manito, l’ingénieur serre ses énormes poings.
    — Nous sommes là, conclut le forain, pour vous demander ce qu’il en est réellement. J’ai l’habitude des fauves, de leur capture, de leur dressage… Je suis venu vous proposer nos services. Accepteriez-vous que nous attrapions le monstre ? Préférez-vous que nous l’abattions ? Si cela vous convient, nous nous mettrons en chasse. Mes pisteurs le traqueront, l’acculeront au fond de son antre… et vous rapporteront sa tête… ou plutôt ses deux têtes.
    Coquenpot reste figé, pensif.
    — Tu parais bien sûr de toi, fait-il enfin avec lassitude. Mais il se peut que tu sois réellement un belluaire d’exception. J’en ai connu, en Terre Sainte, qui dressaient les lions et leur apprenaient à danser. Alors pourquoi pas, après tout ? Sache cependant que tu t’attaques à forte partie. Le monstre existe, ce n’est point une légende née de l’imagination des paysans. Je l’ai vu, une nuit. Il se tenait au pied de mes remparts. Il était là pour me narguer.
    — Avait-il vraiment deux têtes ? demande Bézélios.
    — Oui. Deux visages. L’un d’un homme normal, l’autre d’un gnome hideux. Au vrai, et quoi que prétendent les paysans, il ne ressemblait en rien à un ours. C’était plutôt un homme de haute taille, mais avec deux têtes auréolées de cheveux jaunes. Il m’a regardé, puis s’en est retourné dans la forêt, sans se presser. C’est pour cette raison que j’ai mis mes bricoles, couillards et mangonneaux en batterie, et que j’arrose les environs sans discontinuer… Je veux lui faire savoir que je ne me laisserai pas tuer sans combattre, tout infirme que je suis. Avec mes machines, je puis causer bien du dégât ! Sang du Christ ! Je ne suis pas n’importe qui ! En terre mauresque j’ai abattu les murailles de plus d’une cité réputée imprenable. Et quand leurs remparts s’écroulaient, nos chevaliers pouvaient s’y engouffrer sans descendre de leurs montures, l’épée levée !
    Sa voix vibre sous la voûte en poutres de châtaignier.
    — Vous détruisez les villages de vos paysans, fait valoir Wallah avec insolence.
    L’ingénieur hausse les épaules.
    — Ils me détestent, grogne-t-il. Je ne puis souffrir ces publicains 4 désincarnés qui n’aspirent qu’à devenir de purs esprits. On a voulu les anéantir il y a près de deux siècles, mais ils sont toujours là, à nous juger, à prendre de grands airs… Ils se vantent de ce que le dévoreur les épargne parce qu’ils ne commettent aucun péché, mais c’est faux. Des filles ont disparu, plus d’une dizaine au cours de ces cinq dernières années. On n’a jamais retrouvé les corps. On dit que le monstre les traîne dans son repaire pour les dévorer, et que l’ossuaire se trouve là, quelque part au fond d’une caverne.
     
    Jusqu’au soir, Coquenpot s’applique à se montrer sous les traits d’un maître de maison disert et fort civil. Il leur fait visiter sa demeure qu’encombrent mille trophées étranges rapportés d’au-delà des mers. Il y a même un chat mort, enveloppé de bandelettes, qui repose dans une boîte nommée « sarcophage ». L’ingénieur ne manque de rien, il est visiblement à l’aise, sa vaisselle est d’argent, ses tentures viennent de Flandres. Son ancienne armure, bosselée, repose sur un mannequin de bois, à l’angle de la cheminée. La bibliothèque est impressionnante et déborde de grimoires anciens traitant de la science des machines de guerre. Des maquettes encombrent les tables, les dressoirs, catapultes minuscules qu’on dirait assemblées pour une armée de nains.
    Coquenpot évoque ses voyages, ses aventures, que Wallah suit d’une oreille distraite. Elle est habituée aux vantardises des hommes et ne s’en émeut guère.
    Avec le crépuscule, l’humeur de l’ingénieur s’assombrit soudain. Debout sur les remparts, il se met à scruter le brouillard comme s’il cherchait à repérer les déplacements sournois d’un adversaire. Les serviteurs préposés aux machines se sont repliés derrière la palissade dont ils ont bloqué les portes à l’aide d’une poutre transversale.
    — Si vous nous parliez d’Ornan de Bregannog ? suggère alors

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