Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
Vom Netzwerk:
t’achèterai des vêtements d’homme à Aubagne. Je t’emmène
avec moi, dit-il en lui mettant une main sur la bouche.
    Elle le regarda avec des yeux de biche effrayée.
    — Plus tard, je ferai de toi une femme libre. Comprends-tu ?
    Non, elle ne comprenait pas. « Libre » était bien
plus difficile à prononcer que Dieu, Jésus, Sainte Vierge, saint Lazare… Ce mot
n’existait pas même dans son esprit. Elle sentit pourtant la joie, l’immense
joie qui montait, l’envahissait et faisait naître un fol espoir et des larmes. Et
elle fit ce que le noble chevalier lui demandait. Elle jeta la cape de son servage,
enfila une robe de grosse toile, une tunique de laine, de lourds brodequins de
Barjols et un mantelet brun. Elle fourra une miche de pain et un morceau de
fromage dans son baluchon. Ainsi parée, elle se tint derrière Jean qui avait
pris position sur le palier. L’épée à la main, il sondait du regard les
profondeurs enfumées. La voie paraissait franche. Des enfants jouaient au
rez-de-chaussée. On ne les apercevait pas mais on entendait leurs braillements.
Pas d’Aicarde dans les étages. Des habitants de l’immeuble avaient dû rentrer
chez eux.
    — On y va, dit-il.
    Ils y allèrent prudemment, sur la pointe des pieds ; malgré
leurs précautions le bois des marches craquetait comme le sel dans le feu. Au
quatrième, ils glissèrent le long du mur. Soudain, Élise se crispa. Jean sentit
ses ongles sur son coude.
    La face marbrée de rougeurs, la maquerelle les observait par
la lucarne.
    — Alors, les tourtereaux, on file sans dire un mot à la
bonne Aicarde !
    Il y avait quelque chose de démoniaque dans les yeux de la Joueuse dont les billes noires rétrécies à l’extrême se perdaient sous les paupières gonflées.
Elle beugla brusquement un juron, puis la porte s’ouvrit sur son frère et deux
écorcheurs armés de poignards arabes.
    — Vivant ! Vivant, il me le faut !
    Jean n’eut aucune pitié. Il recula, se donna de l’espace. L’épée
décrivit un arc ; le frère tomba en se tenant la poitrine. La lame
imparable fouetta l’air ; Élise vit s’effondrer les deux autres en même
temps, la gorge tranchée. Aicarde chargea à son tour avec un poinçon ; elle
était en furie. Son arme chercha à percer le front du chevalier, mais dans le
bond qu’elle fit pour atteindre sa cible, sa gueule rencontra le poing qui
tenait l’épée. Jean y avait mis toute sa force. Les os entre les deux yeux
craquèrent. La Joueuse chavira et dégringola les marches. Élise était atterrée.
    — On quitte la ville avant l’arrivée de la milice de l’évêché !
cria Jean en tirant la petite par la main.
    Élise frémit de peur en enjambant le corps d’Aicarde ; sa
peur augmenta quand elle se retrouva à l’air libre, elle eut peur toujours en
franchissant la porte d’Italie où une compagnie de gardes peu zélés les laissa
sortir. Ils formaient un étrange couple sur le cheval. Ce ne fut qu’après les
fermes de Saint-Marcel que son cœur battit à la mesure du pas d’Hercule. Alors
elle se laissa bercer par le lent mouvement de la croupe, la joue contre le dos
de son sauveur.
    À Aubagne, village étape où affluaient tous les convois
venant de Toulon et d’Aix, ils n’eurent aucune difficulté à trouver un fripier
qui offrait une vaste variété de vêtements usagés. Il y avait même quelques
robes d’apparat devant lesquelles Élise s’extasia. Jean la ramena à la réalité
en lui rappelant qu’elle était désormais son jeune écuyer.
    — Il y va de ta sécurité. Tu me serviras à Signes, le
temps que je reprenne en main mes terres. Plus tard, j’adresserai une requête
aux dames de la cour d’amour afin que tu puisses devenir une demoiselle d’honneur
au sein de cette noble assemblée.
    — Et mes cheveux ? Tout le monde va voir que je
suis une fille.
    Jean sourit. La question des cheveux fut réglée dans l’heure.
Il les coupa lui-même en les égalisant à l’aide d’un bol. Élise pleura, puis
eut un petit rire quand il lui acheta un ceinturon et une courte épée qu’elle
fixa à sa taille. Il lui acheta aussi une vieille carne docile et lui enseigna
les rudiments de la monte. Elle était douée. Elle réussit à trotter en
brandissant l’épée. Elle était dans la peau d’un écuyer. Elle apprendrait à se
servir des armes. Jamais plus une Aicarde ne la réduirait en esclavage.

28
    La nuit les rattrapa à Gémenos alors qu’ils

Weitere Kostenlose Bücher