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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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de
ses conséquences dans les airs.
    — Que dit-elle ? demanda l’écuyer Paumier.
    — Que la guerre a du bon, qu’elle commençait à s’ennuyer
et qu’il lui tarde de ferrailler avec ces canailles de Toulouse et de Barcelone
et de rapporter les couilles de Raymond Bérenger.
    — Charmante, elle est charmante, conclut le jeune
soldat avant de prendre congé.
     
    Aubeline et Bérarde avaient sorti leurs plus belles robes du
coffre à vêtements. Des habits qui dataient et ne feraient pas illusion parmi
les femmes les plus riches de Provence. Elles ne pouvaient cependant les
enfiler sans se décrasser et se débarrasser de la vermine.
    — Au trou du Latay, dit Aubeline.
    — Au trou du Latay, pour quoi faire ? demanda
Bérarde faussement innocente.
    — Tu le sais très bien. Ça grouille dans ta tignasse. Bientôt
les cafards te sortiront des oreilles et des trous du nez.
    — Mais je suis propre ! se récria la Burgonde.
    — T’es propre comme le cul d’une truie. Veux-tu que les
gardes de la cour d’amour se chargent de nous plonger dans les lavoirs du
village ? Allez, zou, espèce de grande Barbare mal décrottée ! On
selle les chevaux et on va au Latay.
     
    Elles franchirent le pont du Diable au galop car il n’était
pas bon de s’attarder sur cet entablement de bois et de pierre. Une légende
courait à son sujet. Elle racontait qu’un chevalier noir, serviteur de Satan, le
gardait. Quand il apparaissait, c’était pour jeter un défi et ravir l’âme du
perdant car il était impossible de battre le chevalier noir dont les armes
étaient forgées dans les ateliers de l’enfer.
    Les moines des moulins les virent passer tels deux
tourbillons de poussière. Aubeline et Bérarde aimaient faire la course, couper
à travers les buissons, franchir les fossés. Plus adroite cavalière et
possédant une meilleure monture, Aubeline arriva la première dans le creux de
Chibron où cascadaient les eaux du Latay. Dans le trou d’un vert émeraude
laiteux brillaient les truites. Sur les bords les grenouilles se gavaient de
libellules et de moucherons. Aubeline enleva ses sandales aux lanières épaisses,
détacha sa ceinture garnie de deux poignards, puis dégrafa sa robe de toile
rêche qui forma une corolle à ses pieds. Elle ne portait rien en dessous. Nue, elle
offrit son corps svelte et nerveux au soleil. Pendant un instant, elle
ressembla à une déesse antique, une Diane chasseresse qu’il était interdit de
surprendre au bain sous peine de perdre la vie. Elle ramassa sa robe et s’avança
dans l’eau fraîche. Nue également, la puissante Burgonde aux mamelles larges et
généreuses la rejoignit en tenant son vêtement contre son ventre.
    L’immersion devait être lente. Elles frissonnèrent et se
sourirent. Soudain le regard bleu de Bérarde se durcit.
    — Il y a un berger qui nous observe.
    — Et alors, il n’en mourra pas, répondit Aubeline. Laisse-le
s’exciter. Ce sera peut-être le plus beau souvenir de sa vie.
    Bérarde maugréa. Parfois, elle ne comprenait pas les
réactions de son amie qui pouvait se montrer intransigeante, voire cruelle. Elle
dressa le poing hors de l’eau. Ce qui fit fuir le pauvre bougre qui avait
entrepris de se toucher l’entrejambe.
    Elles continuèrent à s’enfoncer. La vermine remontait le
long de leurs corps. Elle se mêla aux poux des chevelures. Retenant leur
respiration, les deux femmes disparurent sous l’eau et firent quelques pas sur
le fond vaseux. Quand elles réapparurent à la surface, les deux auréoles des
poux et de leurs frères dérivaient à une toise. Elles gagnèrent la rive où
elles s’étendirent sur l’herbe. Là, Bérarde commença à traquer les lentes dans
les cheveux soyeux de sa compagne. Aubeline lui rendit le même service.
    — Nous voilà dignes de partir en guerre, dit Aubeline.
    — Et de mourir pour cette orgueilleuse Stéphanie des
Baux, répondit Bérarde.

5
    Les exploits d’Aubeline d’Aups et de Bérarde la Burgonde n’étaient pas parvenus jusqu’à ses oreilles. Il avait bien des soucis en tête et des
problèmes à régler en ce bas monde. Le chapelain Guillaume se retira sur la
pointe des pieds. Stéphanie – que dieu lui pardonne ! – avait refusé de se
confesser. Elle n’espérait plus rien. Ni de Dieu ni des hommes. Elle avait prié,
usé ses genoux sur les dalles froides des églises, peiné dans de difficiles
processions en portant de lourdes croix, dépensé son or des

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