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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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Rien ne trahissait leur émotion. Seule manifestation d’impatience, quelques
yeux brillaient sous les rebords d’acier des casques. Hugon s’appuyait
négligemment sur le manche de sa hache posée en travers du col de son cheval
blanc ; Rostang de Tarascon aux prunelles fauves, un trait de lave en
place d’âme, laissait traîner sa lourde lance sur le sol ; Arnal de Gers, dit
le Gaucher, caressait le fil de son épée, le regard perdu sur l’étang de
Scamandre embrumé. Ses fils sagement rangés sous la bannière des Baux lui
sourirent.
    Ce spectacle lui chauffa le cœur ; elle aurait voulu
être comme eux, avoir des incendies plein la tête, des images de châteaux
démantelés, d’or coulant à flots et tout un cortège de rêves pourpres où le
pillage aurait été la loi et l’exploit guerrier le désir le plus cher.
    Le soleil monta d’un cran au-dessus du pêle-mêle de cette
armée hétéroclite. Il y eut un mouvement. Du sein des brumes, fendant les
roseaux, une femme suivie d’une meute de chevaliers émergea.
    — Bertrane ! s’écria Stéphanie.
    Elle n’en croyait pas ses yeux. Bertrane… La douce Bertrane
de Signes qui présidait la cour d’amour de Provence galopait vers elle, entourée
de plusieurs guerrières farouches rappelant les fières amazones des temps
antiques. Aucune arme n’étincelait entre ses mains d’ivoire. Elle ne portait
pas de cuirasse. Toute de blanc vêtue, ses cheveux noirs volant au vent de la
course, la jeune femme précédait son époux Bertrand le dévot et les troupes de
Toulon, Marseille, Méounes et Evenos. La présence du vieux seigneur était un
événement. Bertrane avait réussi à l’entraîner dans cette aventure incertaine
et dangereuse. Au centre de la cavalerie, la bannière d’or frappée du cygne
blanc claquait.
    — Me voici, cousine ! Ainsi que je te l’avais
promis.
    Elles mirent pied à terre et s’embrassèrent. Les fils de
Stéphanie et leurs écuyers furent gagnés par l’émotion. Ils étaient cependant
intrigués par la présence des femmes chevaliers dont deux attiraient
particulièrement leurs regards : une captivante jeune femme à l’écu
portant une croix templière et une impressionnante géante qui tenait une hache
que peu d’entre eux auraient été en mesure de manier.
    Bérarde cala la hache sous sa cuisse et exprima sa mauvaise
humeur.
    — Ces drôles nous pèsent comme si on était des pièces
de viande à l’étal du boucher.
    — Ils doivent nous trouver à leur goût, plaisanta tout
bas Aubeline.
    La Burgonde grogna et reprit sa hache. Pendant ce temps, Stéphanie
retenait ses larmes de joie.
    — Ma Bertrane, balbutia-t-elle. Tu es l’envoyée du
Seigneur, je n’en espérais pas tant. Je ne doute plus de l’issue de la guerre à
présent. Si tu es de mon côté, Dieu l’est !
    Bertrane eut un regard navré. Son beau visage marqué par la
longue cavalcade devint triste. Du fond de sa mémoire surgirent les mille
recommandations qu’elle s’était promis de faire à sa cousine afin d’éviter
cette bataille, mais Bertrand, qui avait poussé son cheval en première ligne, l’empêcha
d’exprimer son ressentiment. Le vieux seigneur descendit de son cheval
caparaçonné et vint embrasser sa parente.
    — Cousine ! clama-t-il. J’ai avec moi cinquante
braves chevaliers et trois cents archers et fantassins. Prends-les sous ta
bannière et qu’il plaise à Dieu de les accueillir dans Son paradis s’ils
viennent à trépasser.
    — Nous les prenons, mon beau cousin. Que leurs cœurs
soient vaillants, leurs bras solides et que leur foi en notre cause reste inébranlable.
À chacun, il sera compté bon or et bonne terre le moment venu.
    Aubeline tiqua aux propos de la comtesse. Elle connaissait
les sentiments de Stéphanie et des dames de la cour d’amour à l’égard du comte
de Signes. « Beau cousin » était de trop. Ni Aubeline ni Bérarde, pas
plus que Stéphanie, n’aimaient le gros Bertrand suant. Âgé de cinquante ans, marié
depuis dix ans, il ne pensait qu’à manger et à prier. Les femmes le
soupçonnaient de n’avoir jamais vu son épouse nue.
    Il n’avait pas fait d’enfants à Bertrane et on ne lui
connaissait pas de bâtard. Quel étrange couple ils formaient.
    Bertrane était assurément l’une des plus belles femmes d’Occident
et Bertrand, sans aucun doute, le plus laid des seigneurs de la chrétienté.
    — Cousine, ajouta Stéphanie en couvant Bertrane

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