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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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Maître ni les commandeurs !
    Pour moi, il n’est plus de refuge :
    Personne qui pense à moi !
    Je crie vers Toi, Seigneur !
    Je dis : « Tu es mon abri, ma part, sur la terre des
vivants.
    Quand le jour viendra,
    Fais que je meure glorieusement en ton nom sous les murs de
Jérusalem
     Autour de moi, les justes feront cercle
    Pour le bien que Tu m’as fait.
    Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit,
    Pour les siècles des siècles. Amen.
     
    Qui priait avec plus d’ardeur que lui dans le monde chrétien ?
De quelle folie sa foi était-elle faite ? Il se signa avec violence et se
courba pour baiser la terre foulée par les pieds du Christ. Il était en état de
sainteté. Peu d’hommes pouvaient l’égaler.
     
    Ces pouilleux le laisseraient-ils boire en paix ? Hugon
jeta un œil mauvais sur la lie de l’humanité rassemblée dans le bouge où il
logeait depuis plus de trois semaines. Un nid à punaises et à cafards. Tout en
longueur sous les voûtes noircies. Des torches laissaient tomber des lueurs
jaunes, changeantes, sur les tables bancales ; et ces clartés palpitantes
donnaient aux braillards des airs de démon. Il vida d’un trait son gobelet de
vin, ne parvenant pas à s’habituer à son goût. Cet alcool de Bourgogne lui
tournait les sens. À Dijon, il était impossible de boire du corbières ou de l’épais
vin miellé de Tarascon.
    — Bâtard ! J’aurai ta peau ! grogna-t-il.
    Le Bâtard de Trets, Odet d’Alègre, l’avait trahi. Il en
était convaincu. Sa mère et la dame de Signes étaient saines et sauves. Un
regret passa dans son regard. Regret de ne pas être à cette heure l’héritier
des Baux. Regret de ne pas pouvoir imaginer les corps de ces deux chiennes
dévorés par les corbeaux.
    Il porta la main à la poignée de son épée. À une table
voisine, une dispute éclata pour quelque obscur motif entre deux ribauds qui
tirèrent leurs coutelas et se mirent à se battre. Ce fut bref. Le sang coula et
ils se réconcilièrent en partageant le pichet offert par le tenancier. La vie
des vermines reprit son cours habituel. Dans les rires gras d’un auditoire
chaviré par la vinasse, un gros homme haletant cherchait à pénétrer rageusement
de son sexe le ventre d’une fillette prostituée. Ce qui était terrible, c’était
le rire de l’enfant, un rire de vieille aux intonations cassées, et la façon
dont elle encourageait son assaillant en le tirant par les hanches. Hugon
croyait voir le Bâtard et il se remit à ruminer sa vengeance dans l’alcool.
    Des reflets de soleil mourant couraient à la surface du vin
chaque fois qu’il reposait brutalement le godet.
    Le fer du récipient se mêlait à son goût. Il lui rappelait
la bataille perdue en Camargue. Sale vin ! Il le buvait quand même, s’efforçant
de s’enivrer, tout en sachant que cette ivresse, loin de le mener au paradis, le
ferait vomir avant l’aube sur le lit de paille où il faisait, nuit après nuit, des
cauchemars. Il n’avait pas pu réorganiser sa défense comme il l’espérait. Fomenter
une révolte à l’échelle de la Provence et du Languedoc demandait des moyens qu’il
n’avait plus, ou du moins pas encore. Ses partisans se révélaient moins
nombreux que prévu. Ses frères demeuraient trop attachés à leur mère ; les
nobles renouvelaient les uns après les autres leur allégeance à Stéphanie. On
se liguait contre lui, on en oubliait même Raymond Bérenger. C’était à devenir
fou. Le front soucieux, les pensées fumeuses, il ne remarqua pas le changement
autour de lui.
    Le silence s’étendit d’un bout à l’autre de la salle. Le
gros homme se détacha de la petite fille dont le rire de hyène s’était figé en
une grimace. Ce fut le ferraillement et les pas lourds qui alertèrent Hugon. Il
releva lentement la tête.
    Ils étaient huit. Huit chevaliers errants. Leurs blasons
fatigués, leurs armures cabossées, les cicatrices sur leurs visages et leurs
regards avides en disaient long sur la litanie de leurs mauvaises actions
passées et à venir. On sentait qu’ils avaient vécu d’une façon dont ils ne
souhaitaient plus se souvenir, qu’ils avaient vu l’animal humain sous ses
aspects les plus abjects avant de devenir pires à leur tour. Il se dégageait de
ce groupe une force qui glaçait de peur les gueux de la taverne.
    Étrangement, cette apparition réchauffa le cœur d’Hugon. Il
leva son gobelet en l’honneur des nouveaux arrivants.
    — À votre

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