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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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familles d’Ollioules, de Cuges, du
Castelet, de La Cadière, de Fuveau, de Trets et de Signes. Entrés au service du
roi de France, ils s’attendaient à vivre une belle épopée, mais jusqu’à cette
nuit, ils n’avaient connu que souffrance et amertume. Depuis Nicée, où les
restes de l’armée allemande de l’empereur Conrad III les avaient rejoints,
la faim, la maladie, la vermine, les pillards et les accidents emportaient peu
à peu les meilleurs d’entre eux. Les Turcs, qu’ils haïssaient, ils ne les
avaient pratiquement jamais rencontrés et ce n’était pas dans les heures qui
allaient suivre qu’on crèverait des infidèles. L’arrivée d’Othon d’Aups, de ses
dix chevaliers et de ses cent templiers leur avait mis du baume au cœur.
    Jean et Othon prirent la tête de la troupe. La rue d’Alep
bordée de maisons blanches et basses était chargée d’exhalaisons. La foule
bruyante avait laissé place aux grillons. Dans la journée et bien après la
dernière messe, un marché perpétuel s’y tenait avec ses épices couleur rouille
et ocre, ses paniers débordant d’agrumes, ses poissons couverts de mouches, ses
volailles caquetantes et ses moutons au ventre ouvert. À midi, on y étouffait
dans l’arôme puissant des parfums d’Orient et des plantes médicinales.
    Toutes les odeurs n’étaient pas bonnes à respirer. À un
moment, les soldats grimacèrent. Un remugle de fiente, de pourriture et de
cadavre leur collait aux narines.
    Jean montra le fossé sombre de la rivière à Othon.
    — C’est le dépotoir de la ville, dit-il tout bas.
    Le templier hocha la tête. Ce n’était pas la première fois
qu’il séjournait dans la cité vieille de quatorze siècles. La rivière coulait
rarement. Elle était semblable à une cicatrice purulente qui ne guérirait
jamais. Les seuls êtres vivants des lieux étaient les rats qui se comptaient
par milliers. Personne ne s’aventurait ici la nuit. L’estafette turcopole qu’ils
avaient envoyée leur confirma que tout était calme. L’opération avait été bien
préparée. Les sentinelles achetées par le Temple étaient devenues aveugles. Comme
il était prévu, ils parquèrent les chevaux dans les ruines d’un temple d’Apollon.
Douze hommes, six Provençaux et six templiers, les accompagneraient.
    — Je passe en premier, chuchota Jean d’Agnis.
    — Je te suis, répondit Othon.
    Les deux chevaliers se laissèrent glisser sur la pente de la
rive. Leurs pieds rencontrèrent le sol mollasse. Il y avait là une belle
épaisseur d’excréments et quelques bêtes mortes. Les rats détalèrent. Des
chauves-souris frôlèrent leurs casques.
    — Le diable n’est pas loin, commenta Othon en tirant sa
dague.
    Jean résista à l’envie de se signer. Il ne voulait pas avoir
l’air d’un pleutre. Une pipistrelle toucha son visage. Il recula d’un bond. La
dague d’Othon cisailla une des ailes de la bête. Un coup de maître. Pratiquement
impossible à réaliser. Othon avait des pouvoirs surnaturels, on disait qu’il
avait été allaité par une sorcière de Signes la Noire. À son tour, Jean dégaina son poignard. Il avait l’impression qu’ils étaient seuls tant
leurs hommes étaient silencieux. Dans leur dos, les douze braves se fondaient
dans l’obscurité.
    Cette mission, ils la redoutaient et la regrettaient, mais
on ne désobéissait pas à un roi et à un Grand Maître du Temple, bons payeurs et
menaçants.
    La rivière faisait un coude. Ils arrivaient à destination. Ils
quittèrent la protection de la rivière qui continuait vers la Porte de Fer et se coulèrent entre les rochers. À moins d’un jet de flèche, la citadelle se
découpait dans une nuée d’étoiles. Chaque tour massive rappelait une bataille, chaque
barbacane avait connu son carnage. Elle était pareille à un immense tombeau
flanqué d’un donjon carré autour duquel bruissaient les fantômes des guerres
passées.
    Et ce donjon était leur but.
    Jean avala sa salive. Il examina les courtines une à une. Aucun
mouvement ne trahissait la présence des gardes. Contrairement à celle de la
milice urbaine, ils n’avaient pas pu acheter la discrétion des sentinelles de
la forteresse. Mais cela n’avait guère d’importance. Depuis l’arrivée de l’armée
croisée, la vigilance s’était relâchée. On ne craignait plus les Turcs de Damas.
De plus, le roi Louis, dans ses largesses, faisait distribuer des pintes de vin
à volonté. Ce jour même,

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