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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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prenait les vies des audacieux. Au-delà se trouvait un
gouffre dans lequel se jetaient les désespérés, et plus loin encore la grotte
du Dragon. Elle songea à se consumer dans le souffle du monstre, elle pensa à
toutes les morts possibles qui la délivreraient.
    La vie. Pas la mort. La vie qui lui avait été donnée. La vie
la reprit très vite. Elle calma son cheval qui régla son pas sur le cours paresseux
de la rivière. Des lavandières étaient accroupies dans l’eau du Figaret. Une
voix montait de ce groupe de femmes qui battaient en rythme le linge sur les
pierres plates. Cette voix racontait une vieille histoire d’amour entre Guigo
de Signes, chevalier de la première croisade, et Bérengère de Méounes, une
noble jeune fille du village voisin, qui partit le rejoindre à Jérusalem. Après
mille épreuves, ils se retrouvèrent et vécurent heureux sous le ciel de la Sainte-Baume. Un bruit de galop attira son attention. Elle se retourna. Aubeline et Bérarde
arrivaient à bride abattue. Les chevaux hennirent quand elles tirèrent
brutalement sur les rênes.
    — Tu ne dois jamais te retrouver seule sur les routes !
    La voix d’Aubeline était chargée de reproches ; les
yeux pâles de la Burgonde n’en exprimaient pas moins.
    — Sur mes terres, je ne risque rien, dit Bertrane en
souriant. Et comment pourriez-vous arrêter la flèche d’un assassin ?
    — Bérarde a de l’instinct. Si un assassin se trouvait
dans les parages, elle l’aurait déjà repéré !
    — Donc tout va bien, conclut la comtesse avec une
insouciance qui déconcerta les deux cavalières.
    Elles descendirent vers Signes en silence, puis gravirent
les flancs de la colline sur laquelle se dressait le manoir de la cour d’amour.
    À ce moment, Bertrane leva les yeux en direction de la
montagne sacrée et interrogea les nuages qui la couronnaient. Où était donc le
chevalier, son chevalier d’amour ? Existait-il seulement ? Comme
Bérengère, elle était prête à subir les épreuves du feu et des armes.

18
    Othon d’Aups et Jean d’Agnis firent signe à leurs hommes d’avancer.
Un à un, ils sortirent de la tour du Chien dont ils avaient la garde. Cet
arrangement avait été établi depuis peu. Les templiers et les compagnies
régulières partageaient désormais des missions. Jean d’Agnis, simple chevalier,
le constatait chaque jour : la puissance militaire des templiers
augmentait, leur influence politique pesait de plus en plus lourd. Le roi de
France Louis VII les tenait en haute estime.
    Jean jeta un œil sur l’impressionnant commandeur des
chevaliers du Temple flanqué de son écuyer qui portait la bannière noir et
blanc « Baussant », et il ne put s’empêcher de penser à ce qu’elle
représentait : les deux couleurs signifiaient qu’ils étaient francs et bienveillants
avec leurs amis, noirs et terribles pour leurs ennemis.
    Des lions en guerre, des agneaux en paix, se dit-il.
    Othon d’Aups n’avait rien d’un agneau. Sa grande épée droite
à deux tranchants destinée à frapper uniquement de taille pendait à son côté
ainsi que la masse turque à tête de fer aux extrémités saillantes. Il tenait la
lourde lance à bout d’acier. Son écu triangulaire en bois recouvert de cuir
battait sur le flanc d’un destrier de bataille large de poitrail.
    Jean n’aurait pas voulu affronter cet homme qu’on disait
protégé des anges, au demeurant son ami. Tous deux étaient nés sur la Sainte-Baume et avaient été baptisés à l’église Saint-Pierre de Signes. Depuis quelques
semaines, Othon paraissait préoccupé ; il avait rencontré à trois reprises
le Grand Maître du Temple, puis le commandeur de la Terre de Jérusalem chez qui il avait logé une semaine. Jean se demandait pourquoi le
commandeur, gardien du trésor du Temple, avait si longuement « invité »
son ami Othon. Ce n’était pas dans les habitudes des moines guerriers. Il y
avait un secret là-dessous.
    Antioche dormait. De la porte de Saint-Paul à la porte de
Saint-Georges, des marais au mont Silpius, deux cent mille âmes que les heurs
et les malheurs avaient réunies dans la légendaire cité appartenant au prince
Raymond de Poitiers ne se doutaient pas qu’une page de l’Histoire s’écrivait en
ce moment même.
    Jean contempla ses propres soldats un à un. Tous étaient de
fidèles compagnons ; des frères d’armes embarqués dans la grande aventure
des croisés. Ils appartenaient à de vieilles

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