Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
Vom Netzwerk:
laissant Jean et Othon dans l’expectative.
    Le chevalier d’Agnis et le templier avaient fini par oublier
Signes et sa cour d’amour. Dix ans pour le premier et moitié moins pour le
second les séparaient de leur départ de Provence. Jean se souvenait cependant d’une
chose : des fêtes qui avaient duré tout un mois. Cette année-là, on fêtait
le dixième anniversaire de la fondation de la cour d’amour et le mariage de
Bertrand le dévot avec la toute jeune Bertrane de Solliès. Événements lointains.
Visages estompés. Il avait perdu ses parents et était alors écuyer du vicomte
de Marseille Hugues-Geoffroi. En ce temps-là, il rêvait d’exploits guerriers et
de titres. Il ne connaîtrait jamais la gloire.
    — Crois-tu qu’elle peut me faire assassiner ? demanda-t-il
à Othon.
    — Oui.
    — Faut-il que je quitte la Terre sainte ?
    — Il n’y aura nul endroit où tu seras en sécurité. Sauf
si tu te convertis à l’islam et que tu pars t’établir à La Mecque… Et encore. Je la sens bien capable d’acheter les services du Vieux de la Montagne qui enverra ses assassins à ta poursuite.
    — Que me conseilles-tu alors ?
    — Peut-être devrais-tu rejoindre notre Ordre, je te
prendrais avec moi. Les frères se protègent entre eux.
    — J’y réfléchirai.

19
    La marche sur Damas avait été décidée le premier jour de
juillet 1148 et on avançait dans la fournaise du désert syrien. Chaque village
était l’enjeu d’une bataille et d’un carnage. Comme d’habitude, les templiers
se montraient les plus intrépides. L’armée du roi Louis rasait, brûlait, décapitait,
empalait, purifiant la terre par le feu et le sang.
    Les templiers ne participaient pas à ces tueries d’innocents.
Jean d’Agnis enviait les soldats de l’Ordre, mais il ne s’était pas résolu à
les rejoindre. Il aspirait à une vie normale avec femme et enfants. Ici, dans
le pays du Christ, rien n’était normal. La guerre, ce n’était pas ainsi qu’il l’imaginait :
ces cadavres exposés sur les pistes et ces remugles de chairs pourries, ces
corps écharpés couverts de charognards lui soulevaient le cœur. Il chercha
Othon du regard pour raffermir sa confiance. Le commandeur était hors de vue.
    Il contempla les tourbillons de fumée noire au-dessus de la
mosquée qu’il venait de dévaster avec ses frères d’armes. Tout le mal de cette
religion s’en allait fondre dans le ciel de Dieu ; l’effondrement du
minaret le conforta dans sa foi. Des hourras et des cris de victoire montèrent
des rangs croisés. Mais il y avait ces morts, guerriers et civils confondus, femmes
et hommes avec parfois des enfants couronnant les pyramides de chairs
martyrisées.
    De grandes charretées de corps ennemis étaient vidées à l’orée
du désert. Ordre avait été donné de compter les têtes de Turcs. Les sergents du
roi munis de crocs et de haches séparaient les têtes des troncs, traçaient des
bâtons sur des tablettes. Un capitaine comptabilisait le tout et se réjouissait
d’accumuler les centaines.
    — Une belle journée pour le Seigneur !
    Jean sursauta.
    — N’est-ce pas, Jean ?
    Le Signois regarda le chevalier enjoué qui faisait
virevolter son destrier. Il s’appelait Michel le Souffleur à cause du grand
olifant dont il se servait avant les batailles. Son arme favorite était le
fléau ; il le brandissait en ce moment même, menaçant les chiens jaunes et
les rats qui venaient disputer les viandes molles aux vautours et aux mouches.
    — Il me tarde d’arriver à Damas, répondit Jean. Nous
finirons bien par rencontrer l’armée du sultan.
    — Tu veux te battre contre un vrai adversaire ? Nous
le voulons tous ! brailla le Souffleur en fracassant le crâne d’un chien. J’ai
hâte de me mesurer à l’élite turque, mais je ne dédaigne pas ces porcs-là !
ajouta-t-il en désignant de son arme les dépouilles musulmanes. Nous avons juré
de précipiter en enfer les infidèles et ce vœu bien modeste est le seul nôtre. S’il
le faut, j’irai tuer le dernier de ces mécréants au bord du monde où vivent les
dragons !
    Jean n’en doutait pas. Il doutait en revanche des vœux
prononcés par les barons, prisonniers de leur penchant pour le pouvoir. Quand
il croisait parfois le regard de ces nobles, il voyait combien l’abîme de leurs
prunelles était plein de noirceurs.
    — Demain ! Demain, mon Jean, nous accomplirons la
tâche voulue par Dieu en prenant Damas.

Weitere Kostenlose Bücher