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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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à nos puissantes voisines que sont Marseille et Toulon. Mais l’idée
d’associer le prestige de notre nom à ceux de ces femmes m’est insupportable !
    Soudain il s’enflamma, se frappa la poitrine avec la croix, prit
à témoin les saints hiératiques dont les regards compassés luisaient dans l’ombre.
Bertrane prit peur.
    — Je voudrais créer un endroit, un centre réputé de
dévotion, que le pape en personne viendrait bénir. Il n’y aurait que des hommes
chastes et le peuple chantant des moines ; on y ignorerait l’existence du
péché. Dans ce bastion avancé de la Sainte-Baume seraient formés des prêcheurs, un nouvel ordre de soldats du Christ propres à remplacer ceux qui se dévoient
en Orient. Je te le dis, ma dame ! En quelques années, au sein de beaux
monastères et de belles églises, élevés à profusion sur les flancs de nos
montagnes, on compterait les légionnaires de la foi par milliers ! Pour l’heure,
et afin de soulager la misère de nos lépreux, j’ai fait mander sire Causaltan l’architecte
afin d’agrandir la léproserie de Signes la Noire. Les plus purs d’entre nous iront servir entre ses murs. Après quoi, nous
entreprendrons de bâtir un grand centre religieux…
    Bertrand était extatique. Il avait la vision de ce monde de
croix, de bénitiers, de cloches, de statues géantes des apôtres érigées sur des
acrotères d’or, d’hosties tombant en neige d’un ciel consacré à l’eucharistie, d’armées
invincibles partant répandre la bonne parole dans le monde entier et de
milliers de bûchers sur lesquels brûleraient les impies.
    Ce fut alors que son rêve se brisa.
    — Pour qu’il y ait des légions de croyants, il faut
faire des enfants, avança Bertrane d’une voix sans passion.
    Le réalisme, la crudité de ses propos provoquèrent la crise.
Le regard de Bertrand changea. Il détestait les évidences. Par le seul feu sombre
de ses prunelles, il aurait voulu obvier au mal dont il sentait la proximité. Tout
son sang ne fit qu’un tour.
    — Pars ! Je ne veux plus te voir ! jeta-t-il.
    Bertrane était paralysée par la fureur de son époux.
    Lui ne la voyait déjà plus. Le sang, la douleur l’aveuglaient.
    —  Souffri ! Souffri ! ahana-t-il.
    Il avait réellement l’air de souffrir. Il posa la croix, déchira
le devant de sa robe de pénitent, puis se mit à tourner comme un fauve blessé à
mort. Soudain, s’arrêtant devant un coffre, il en souleva le couvercle.
    Quand il se retourna, Bertrane pâlit. Il tenait à la main
des verges de cuir. Pendant un instant, elle crut qu’il allait la flageller, mais
il se mit face à la croix et commença à se punir.
    L’atroce vision fit reculer la dame de Signes. Pas à pas, elle
s’éloigna de Bertrand dont les gémissements étaient entrecoupés de pardons et d’appels
au Christ. Le poing sur les lèvres, elle s’enfuit de la salle avec l’envie de
vomir. Elle dégringola les escaliers, fit irruption à l’étage inférieur.
    Les chevaliers encourageaient l’un des leurs. Aubeline lançait
des « Allez ! Tu vas le battre ! ». Bérarde faisait un bras
de fer avec un costaud. Les tendons de leurs cous saillaient, la sueur gouttait
de leurs fronts qui se plissaient sous l’effort.
    — Ma dame ! lâcha Aubeline en voyant les traits
défaits de Bertrane.
    Bérarde en fut déconcentrée. Son adversaire en profita. Le
levier de son bras coucha celui de la géante. Il fut le seul à marquer sa
victoire d’un rire qui s’étrangla aussitôt. Levant ses yeux injectés de sang, il
découvrit la dame au cygne. On aurait dit qu’elle avait vu un fantôme. Elle
tenait à peine sur ses jambes. Aubeline la soutint.
    — Laisse-moi ! Laisse-moi ! Laissez-moi tous !
s’écria Bertrane en la repoussant et en reprenant sa course.
    Elle continua sa folle descente, jaillit du donjon, toujours
poursuivie par la vision de Bertrand se fouettant. Voilà donc l’homme qu’on l’avait
forcée à épouser ;elle était condamnée à rester vierge, à s’étioler
dans l’ombre de ce fou de Dieu.
    Elle courut aux écuries, enfourcha sa monture et donna
rageusement des talons. L’animal s’emballa. La première cour était bondée de
paysans ; ils eurent juste le temps de s’écarter. En quelques foulées, elle
gagna la vallée voisine. Un sentiment de profond désespoir s’empara d’elle et
elle hésita à prendre la direction du pont du Diable. Là-bas, il y avait le
chevalier noir qui

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