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La Fille Du Templier

La Fille Du Templier

Titel: La Fille Du Templier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Thibaux
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foudroie.
    — Que me veux-tu ? demanda soudain Bertrand en
posant la croix d’olivier en travers de sa poitrine.
    Elle demeura saisie par son ton froid et cassant, par la vue
de cette croix qu’il lui opposait. Elle comprit. Il la découvrait dans sa robe,
avec ses hanches rondes, sa poitrine soulevée par une respiration oppressée, son
visage de madone aux lèvres sensuelles et ses longs cheveux maintenus par un
bandeau de pierreries.
    — Je voudrais m’entretenir avec toi seul à seul.
    Guillaume n’attendit pas l’ordre de son seigneur. Il s’effaça
plus silencieusement qu’un fantôme. Bertrane tomba dans un trou aux bords
inaccessibles, pourtant elle parla :
    — Mon ami, cela fait quinze ans que ma famille m’a
donnée à la tienne et dix que les liens du mariage m’unissent à toi. Et je loue
le Seigneur d’avoir mis sur mon chemin un homme tel que toi. Je n’ai jamais
manqué de rien, tu m’as toujours soutenue, tu es à l’origine des embellissements
du château des dames et tu dépenses sans compter pour la cour que je préside… Mais
je m’interroge parfois sur le sens de ces largesses.
    Il restait coi, fermement accroché à sa croix. Elle
reprenait confiance, s’animait d’une grâce exquise. À un moment, Bertrand ne
put s’empêcher d’admirer la forme de sa bouche, le mouvement de ses lèvres
formant les mots, la façon dont elle bougeait les mains comme si elle jouait de
la harpe. Et il ne parvenait pas à refouler le sentiment de stupeur admirative
qui l’affaiblissait. Elle était la perversion et la pureté incarnées. Il ne
pouvait l’admettre ; il s’en remit à la croix qui chauffait sur sa
poitrine et se mit à détester cette épouse, la comparant à Lilith.
    — Oh, poursuivait-elle, je ne dis pas que tu agis dans
un but bien défini… Non, je ne le pense pas, mais je ne comprends pas. C’est
comme si tout en me choyant, en m’octroyant une grande liberté, tu me tenais à
distance. Personne ne peut entrer dans ton intimité ;j’aurais
pourtant, il me semble, quelques droits.
    Les yeux de Bertrand s’agrandirent. Ces propos le
meurtrissaient ; il sentait venir des reproches encore plus blessants. Au
point où elle en était, elle allait exiger qu’il lui fît un enfant. Mentalement,
il reprit sa récitation, attendant la volée de mots qui le mettrait hors de lui.
Mais le pire ne venait pas ; elle lui parla des amours contrariées des
dames ; des espoirs de la gent féminine. Il l’écoutait à moitié, s’imaginant
qu’elle le croyait incapable de comprendre.
    Bertrane s’épuisa, s’énerva. Elle acheva son long monologue
en citant la vingtième règle de l’amour :
    — « Je ne vous en veux pas, mon ami ; l’amoureux
est toujours craintif. »
     
    Craintif, Bertrand ne l’était plus ; il avait fini par
s’habituer à sa présence et il ne la voyait plus autrement qu’en pécheresse qu’il
fallait sauver. Il se sentait fort. Les statues des saints étaient à ses côtés.
La croix rapportée de Terre sainte renforçait ses convictions.
    Lorsqu’il prit la parole, ce fut sur un autre ton, et son
discours à lui était encore plus invraisemblable. En fait, il s’adressait aux
ténèbres quelque part sous le donjon. De son regard ardent, il contempla le
Christ sur l’autel. Sa voix puissante éveilla des échos sous les voûtes
taillées. Il lui parla d’abord d’un autre temps et d’un autre lieu, très loin
de Signes, et encore plus loin dans l’histoire des hommes, du temps où Adam et
Eve jouaient ensemble dans le merveilleux jardin d’Eden, mais où ils avaient vu
leur vie idyllique anéantie par le désir.
    — Voilà, ma dame, l’exemple que je ne veux pas suivre. C’est
pourtant celui que vous prônez, toi et tes complices, à votre cour d’amour. Vous
avez passé outre à ma justice, allant jusqu’à occire l’un de mes commandés. L’exécution
de Germain le bûcheron m’a fort peiné. Si je n’avais pas été le féal de
Stéphanie, j’aurais demandé réparation. Votre cour et celle de Pierrefeu me
portent ombrage. Les anges qui parfois me visitent me soufflent de renvoyer les
dames dans leurs terres, mais je ne peux m’y résoudre. Je perdrais tout crédit
auprès de la chevalerie en chassant celles qui règnent sur les cœurs d’une
majorité de soldats. Je sais aussi combien leur présence renforce notre
influence sur l’est de la Provence. On nous respecte, on nous redoute, nous
damons le pion

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