La Fin de Fausta
Tout de suite, il aperçut Fausta. Ce fut à elle qu’il alla. Dès son entrée, Valvert avait aperçu Florence qui se tenait modestement à l’écart et qui avait fort grand air, sous la somptueuse toilette de cour qui la parait, et qu’elle portait avec une aisance telle qu’on pouvait aisément croire que de sa vie elle n’avait porté autre chose. Et il était tombé en extase. Florence, de son côté, n’avait pas tardé à le voir. Leurs regards se croisèrent. Ils se sourirent avec une tendresse infinie et, oubliant où ils se trouvaient, ils se parlèrent en ce langage muet des yeux qui a tant de charme pour les amoureux et qu’ils comprennent si bien.
Concini, du premier coup d’œil, avait reconnu Valvert en cet homme couvert de sang et de plâtre et qui, en une tenue aussi incorrecte, était amené par le roi lui-même, au milieu de cette brillante assemblée parée des fastueux costumes de cérémonie. Ce qui prouvait que cet homme jouissait de la faveur royale d’une manière aussi complète qu’insoupçonnée. Mais Concini ne vit pas seulement que cette faveur particulière, si grande qu’elle pouvait faire envie à un tout-puissant personnage tel que lui. Il comprit aussi qu’un événement grave s’était produit. Et pratique, il voulut être le premier à en tirer profit, si profit il y avait. Et il s’était précipité au-devant du roi, courbé en deux, en une marche qui était une longue révérence.
Le roi s’arrêta devant Fausta. Et sa hâte de parler était si grande, qu’oubliant de répondre à la révérence qu’elle lui adressait, il attaqua aussitôt :
– Ah ! madame l’ambassadrice, c’est vous que je cherchais ! Et, tout de suite, avec une précipitation qui redoublait le léger bégaiement dont il était affligé :
– Savez-vous, madame, que trois maisons viennent de sauter, coup sur coup, dans notre bonne ville ?
Le silence, fait de respect, qui avait suivi l’entrée du roi, devint tragique à cette question si imprévue, que le roi posait avec une émotion, que chacun sentait être une colère violente, difficilement contenue, et qui ne demandait qu’à éclater ouvertement.
Fausta s’y attendait moins que tout autre à cette question. Instantanément, en voyant Valvert, elle comprit. Elle comprit qu’il avait, comme toujours, secondé Pardaillan et qu’il avait parlé peut-être. Or, s’il avait parlé, et selon ce qu’il avait dit, c’était sa tête, à elle, qui roulait sous la hache du bourreau. Et cela, malgré l’immunité qui s’attachait à son titre de représentant du roi d’Espagne.
Malgré l’incroyable menace qui pesait sur elle, elle ne perdit rien de son calme apparent, rien de cette majestueuse assurance qui faisait que, dans un cercle de souverains, elle dominait comme une impératrice. Et ce fut de sa voix harmonieuse, dont rien n’altérait la douceur pénétrante, qu’elle répondit :
– C’est par la rumeur publique que j’ai eu connaissance de ce fâcheux événement. Mais comme j’ai entendu dire à des personnes dignes de foi que, fort heureusement, on n’avait à déplorer la perte d’aucune existence humaine, je ne m’en suis pas autrement émue.
– Savez-vous, madame, à qui appartenaient ces maisons ? reprit le roi dans un grondement.
– Je l’ignore absolument, sire, répondit Fausta avec le même calme imposant.
– A des Espagnols ! s’écria le roi.
– A des Espagnols ? s’écria Fausta en un sursaut de surprise admirablement joué.
Et, feignant de se méprendre, avec une pointe d’émotion contenue dans la voix :
– Ah ! pauvres gens ! Mais alors, c’est à moi, représentant de Sa Majesté le roi d’Espagne, qu’il appartient de venir en aide à ces pauvres gens ! Je ne manquerai pas de le faire, et je remercie Votre Majesté de m’avoir appris ce détail que j’ignorais.
Elle jouait son rôle, en grande comédienne, avec un naturel si parfait, que le roi en fut un instant décontenancé. Il jeta sur Valvert un coup d’œil qui semblait appeler à l’aide. Mais Valvert n’avait d’yeux que pour Florence et ne vit pas l’embarras du roi. D’ailleurs, cet embarras fut bref. Presque aussitôt Louis XIII se ressaisit et, de sa même voix grondante :
– Parlons-en de ces pauvres gens !… Savez-vous ce qu’ils avaient fait de leurs repaires ?… De véritables arsenaux, madame !… Des arsenaux contenant des armes, de la poudre, des balles,
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