La Fin de Fausta
officielle ? s’inquiéta la reine, qui, selon sa coutume, commençait déjà à battre en retraite.
– Parce que, expliqua Léonora, il y a toujours beaucoup de monde à une présentation officielle. Outre ceux qui s’y trouvent de par leur charge, il y a ceux à qui on accorde la faveur d’une invitation… Et c’est surtout pour ceux-là que la présentation doit se faire… Surtout si, comme je l’espère, la signora se trouve au premier rang de ces invités.
Ces paroles firent dresser l’oreille à Marie de Médicis.
– Pourquoi dois-je inviter la princesse Fausta ? interrogea-t-elle.
– Parce que, fit Léonora, avec une lenteur calculée, c’est surtout elle qu’il faut bien convaincre que Florence est bien la fille de Léonora Dori, marquise d’Ancre.
Il faut croire qu’elle se sentait assez forte pour jeter le masque et s’attaquer ouvertement à Fausta, qu’elle avait toujours paru servir jusque-là, car, allant au-devant des questions qu’elle devinait sur les lèvres de la reine, elle ajouta aussitôt :
– Je vous avais dit, madame, que lorsque le moment serait venu, je vous ferais connaître le nom de cet ennemi qui, dans l’ombre, s’acharne à votre perte. Ce moment est venu, madame. Cet ennemi qui, sans moi, vous eût irrémissiblement perdue, c’est la princesse Fausta.
Et comme Marie de Médicis, toujours engouée de celle qu’elle appelait la signora, se récriait avec force, se refusait à croire à tant de perfidie, Léonora parla, produisit des preuves morales et matérielles, et n’eut pas de peine à la convaincre. Alors, la colère de la reine éclata avec toute la violence qu’on pouvait attendre de son caractère emporté. Léonora dut la calmer, la raisonner, et eut assez de mal à l’empêcher de commettre un éclat immédiat qui n’eût servi à rien.
La reine étant apaisée et ayant compris la nécessité où elle se trouvait de revoir, au moins une fois encore, cette enfant, sa fille ! dont, dans son égoïsme féroce, elle venait de dire « qu’elle espérait bien que Léonora s’arrangerait de manière à ce qu’elle disparût », il fut entendu que cette présentation aurait lieu le surlendemain et que Fausta serait invitée à y assister. Invitation qui serait faite dans des termes, tels qu’elle ne pourrait la décliner.
Dans la chambre de Florence qui s’était levée pour la recevoir, Léonora, après avoir congédié d’un signe de tête la Gorelle et Marcella qui s’éclipsèrent silencieusement, prononça :
– Florence, tout à l’heure, vous allez avoir l’honneur d’être présentée à Sa Majesté la reine régente. Vous vous parerez de cette toilette de cour et de ces bijoux qui vous appartiennent. Il convient de vous hâter, car nous n’avons pas beaucoup de temps. Je vais vous envoyer Marcella et la Gorelle qui vous serviront de femmes de chambre.
Elle parlait toujours avec la même douceur. Cependant, l’oreille particulièrement sensible de la jeune fille perçut, sous cette douceur, un accent impérieux qu’elle n’avait jamais eu jusque-là.
– Bien, madame, fit-elle simplement.
Cependant, malgré elle, une lueur joyeuse s’était allumée dans ses grands yeux, en apprenant qu’elle allait revoir sa mère. Elle savait pourtant qu’elle n’avait rien à attendre de cette mère. Elle savait, elle était sûre que jamais elle n’obtiendrait d’elle un mot parti du cœur. N’importe, elle voulait espérer quand même. Et elle voulait d’autant plus fortement, qu’elle sentait bien que cet espoir ne se réaliserait jamais.
Si fugitive qu’eût été cette lueur de contentement, Léonora, toujours attentive, l’avait surprise au passage. Et toujours méfiante, elle sonda :
– Vous êtes contente d’aller à la cour ?
Elle secoua sa tête mutine, et riant d’un rire clair :
– Franchement, non, madame… La cour m’effraie… Je sens que je n’y serai pas à ma place.
Chose incroyable, et pourtant naturelle, parce que bien humaine, cette dernière raison piqua l’orgueil de Léonora. Et, redressée :
– Pourquoi ?… Sachez, mademoiselle, que la fille du marquis et de la marquise d’Ancre est à sa place partout… Fût-ce sur les marches d’un trône !…
– Dieu me garde d’en douter, madame. Mais je n’oublie pas ce que j’ai été… ce que je redeviendrai peut-être… Vous avez beau avoir fait de moi une comtesse, fille, aux yeux du monde tout au moins, d’un
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