La Fin de Fausta
jusqu’à des canons… De quoi armer et approvisionner grandement une petite armée… de soldats espagnols, cela va sans dire.
– Que m’apprenez-vous là, Sire ! s’écria Fausta, jouant la stupeur et l’indignation.
– La vérité, madame… Ne la saviez-vous pas ?…
Evitant de répondre à l’embarrassante question, Fausta, comme soulevée par l’indignation, assura :
– Un si inqualifiable abus de l’hospitalité, qui nous est si généreusement offerte dans ce pays ami, me paraît si monstrueux, si incroyable que… j’oserai demander au roi s’il est sûr de ne pas se tromper… S’il est bien sûr que les renseignements qu’on lui a fournis sont exacts.
– Le comte de Valvert, que voici, va vous dire ce qu’il en est, répondit le roi.
Et il ajouta :
– Le comte est l’un des quatre ou cinq loyaux sujets et hardis compagnons qui ont découvert et fait sauter ces nids de reptiles venimeux, au risque de leur vie… Et vous pouvez vous assurer, à l’état dans lequel le voilà, que je n’exagère pas en disant qu’il a risqué bravement sa vie pour le service de son roi… Je saisis avec joie l’occasion qui s’offre à moi, pour déclarer en public, que ce n’est pas la première fois qu’il expose sa vie pour sauver la nôtre. Et, en attendant qu’il nous soit donné de reconnaître, d’une manière éclatante, les inappréciables services qu’il nous a rendus, je tiens à proclamer ici, devant tous, que je le tiens en particulière estime et affection… Parlez, comte.
Ces compliments imprévus arrachèrent les amoureux à leur mutuelle contemplation. Pendant que Florence rougissait de plaisir, Valvert s’inclinait gracieusement et remerciait :
– Les paroles précieuses que le roi me fait l’insigne honneur de m’adresser me récompensent au-delà de mon mérite.
Et, se tournant vers Fausta :
– Les trois maisons qu’avec l’aide de quatre compagnons, dont le roi connaît les noms, j’ai fait sauter ce matin, étaient des dépôts d’armes clandestins, appartenant à des Espagnols, dont nous surveillions les agissements depuis près de huit jours. Ceci, je l’affirme sur mon honneur. Si cette affirmation ne suffit pas, si Votre Altesse doute de ma parole, je produirai des preuves… Des preuves si évidentes, qu’elles ne pourront pas ne pas vous convaincre, madame.
Il s’était avancé de deux pas. Il la fixait avec une insistance significative. Elle comprit la menace. Elle comprit que si elle paraissait douter de sa parole, il parlerait. Et s’il parlait, c’en était fait d’elle : elle ne sortirait de cette salle qu’au milieu des gardes de Vitry… En attendant l’arrêt qui la jetterait pantelante sous la hache du bourreau.
– Moi aussi, je vous connais depuis longtemps, monsieur de Valvert, dit-elle en lui adressant son plus gracieux sourire, et je suis heureuse de proclamer que je vous tiens pour un des plus braves et des plus loyaux gentilshommes de ce pays, qui compte tant de braves et dignes gentilshommes. Je ne vous ferai donc pas l’injure de douter de votre parole. Je me tiens pour dûment convaincue.
Et, tandis que Valvert remerciait par une révérence, reculait, se mettait modestement à l’écart, derrière le roi, elle, elle se redressait, et avec cet air d’inexprimable majesté qui n’appartenait qu’à elle, d’une voix claire, vibrante, elle prononça :
– Venue ici en amie, c’est comme telle que j’ai reçu à cette cour le plus flatteur, le plus inoubliable des accueils. Représentant d’un souverain, animé des sentiments de la plus fraternelle amitié envers Votre Majesté, je ne souffrirai pas que cette amitié réciproque, qui unit nos deux cours et nos deux pays, soit troublée par les agissements criminels de quelques fauteurs de désordre, misérables comparses de bas étage, rebut d’une noble nation qui se vante, à bon droit, de ne le céder à nulle autre nation en fait de chevaleresque loyauté. En conséquence, et tout d’abord, devant Sa Majesté la reine régente, devant monseigneur le maréchal d’Ancre, chef suprême de votre conseil, devant ces nobles seigneurs et ces nobles dames qui m’entendent, je flétris hautement l’inqualifiable conduite de ces scélérats, et je supplie Votre Majesté d’agréer mes très humbles excuses, au sujet de ce très regrettable incident. J’ajoute que mon premier soin, en rentrant chez moi, sera d’ordonner que les coupables soient
Weitere Kostenlose Bücher