La Fin de Fausta
han ! formidable, suivi des cris perçants du cochon qu’on saigne : il savait bien que c’était la meilleure façon de signaler sa présence à son maître.
Valvert, à ce moment même, lançait son banc à toute volée sur le groupe des assaillants qui, avec des clameurs épouvantables, le serraient de trop près, et il sauta sur la porte. Il tomba presque dans les bras de Landry. Le brave écuyer eut deux mouvements qu’il exécuta avec tant de rapidité qu’ils n’en firent qu’un : il lui remit son épée dans la main et, en même temps, il le saisit par le bras et l’entraîna en disant :
– Au carrosse, monsieur. Sautez sur le siège et ne vous occupez pas de moi.
Ils y furent en un bond, sur ce carrosse. Un autre bond et Landry se trouva en postillon sur un des deux chevaux de volée. Il leva le bras et tourna la tête. Il vit que Valvert avait bondi sur le siège. Il abattit le bras et, de la pointe de l’épée, se mit à piquer sans pitié le cou du cheval en même temps qu’il lui martelait les flancs à coups d’éperons furieux.
Il y avait un cocher sur ce siège, sur lequel Valvert venait de bondir. Il dormait à poings fermés ; tranquillement, Valvert lui arracha d’une main les guides qu’il avait passées à son bras. De l’autre main, il le saisit au collet et le secoua rudement en ordonnant :
– Saute !
Réveillé en sursaut, le pauvre diable vit ce visage flamboyant penché sur lui ; en même temps, il fut assourdi par les hurlements de la bande qui sortait de l’église en se bousculant. Effaré, il crut que sa dernière heure était venue et il obéit sans hésiter. Non seulement il sauta, mais encore, pris de terreur panique, il s’enfuit à toutes jambes.
Piqués impitoyablement par Landry, fouaillés à tour de bras par Valvert qui avait saisi le fouet, les chevaux s’ébranlèrent, partirent en un galop effréné, au moment précis où les estafiers de Concini sautaient dans la rue. Sans réfléchir, ils se lancèrent tous à la poursuite du carrosse en hurlant : « Arrête ! »
On comprend bien que Valvert n’eut garde de les écouter et, tout au contraire, stimula davantage ses chevaux. Au bout de quelques minutes, le carrosse avait disparu dans la nuit et c’eût été folie que de s’obstiner à vouloir le rattraper. C’est ce que se dirent les ordinaires, qui lâchèrent pied les uns après les autres. Et quelques autres minutes plus tard, le carrosse venait s’arrêter devant la porte charretière, d’ailleurs fermée, du
Grand-Passe-Partout.
Valvert revenait à l’auberge moins d’une heure après son départ précipité. Personne ne s’était encore couché ou recouché. Ce qui fait qu’on répondit sur-le-champ à son appel.
Une heure plus tard, la porte charretière s’ouvrait de nouveau pour livrer passage au carrosse. Sur le siège se tenait, grave et les guides dans une main, le fouet dans l’autre, Landry Coquenard qui, décidément, savait tout faire. Dans le carrosse, Florence, la petite Loïse et la brave mère Perrine. Florence tenait sur ses genoux l’enfant chaudement enveloppée. Et l’enfant, ses petits bras blancs et potelés passés au cou de la jeune fille, lui glissait confidentiellement à l’oreille, avec un accent de tendresse profonde :
– Tu sais, maman Muguette, puisque tu le veux, j’aimerai bien maman Bertille que nous allons voir… Mais ma vraie maman, que j’aimerai toujours plus que tout, ce sera toujours toi, maman Muguette.
Derrière le carrosse, Gringaille et Escargasse, à cheval, armés jusqu’aux dents. Enfin, à une portière, Valvert, monté sur un des magnifiques chevaux que le roi lui avait donnés. Et, près de lui, à pied, Pardaillan.
Tout ce petit monde s’en allait à Saugis, à l’exception du chevalier qui restait, lui. C’était Pardaillan qui, en voyant le carrosse, avait eu l’idée de ce départ nocturne, si précipité qu’il ressemblait fort à une fuite. Et c’était bien une fuite, à peu près, puisqu’il s’agissait, en la cachant à Saugis, chez Jehan de Pardaillan, de la mettre hors de l’atteinte de Concini qui, armé de ses droits de père, ne manquerait pas de faire rechercher sa fille et de la ramener de force au domicile paternel, s’il la retrouvait.
Valvert, qui ne craignait rien tant que de voir sa fiancée retomber aux mains de la vindicative Léonora, s’était assez facilement laissé persuader de la nécessité de ce voyage qui,
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