La Fin de Fausta
comme si elle ne saisissait pas bien.
– Cette petite m’avait amusée alors qu’elle venait chez moi apporter ses fleurs. Je lui avais promis de la prendre à mon service et de pourvoir à son établissement. Peut-être me suis-je engagée un peu à la légère. Mais j’ai promis. Et je suis de celles qui tiennent toujours leurs promesses.
En donnant ces explications d’un air enjoué, Fausta se disait : « Attention, elle va refuser… Ou bien elle va se rabattre sur sa “bonne Léonora” qui refusera pour elle. »
Elle se trompait encore. Marie de Médicis ne refusa pas. Elle s’écria :
– Eh ! bon Dieu ! c’est là tout ce que vous vouliez me demander ? Elle ouvrait de grands yeux étonnés, elle jouait la comédie de la stupéfaction avec une perfection telle que Fausta s’y laissa prendre.
« Est-ce qu’elle ignorerait que cette petite est sa fille ? se dit-elle, pourquoi pas ?… Léonora qui sait, elle, sans quoi elle n’aurait pas emmené cette petite chez elle et ne la garderait pas aussi soigneusement qu’elle le fait, Léonora pour des raisons à elle, peut très bien l’avoir laissée dans l’ignorance. »
Et tout haut, avec le même air enjoué :
– Je vous avais prévenue qu’il s’agissait d’une affaire sans conséquence. Alors, c’est entendu, la reine veut bien me donner cette petite ?
– Quelle singulière question. Cette petite vous plaît ? Prenez-la et n’en parlons plus. Qu’est-ce que vous voulez que cela me fasse, à moi ?… La seule personne, ici, qui pourrait y trouver à redire, c’est Léonora qui, je ne sais pourquoi, s’intéressait à elle. Mais Léonora fait tout ce que je veux. Et puisque je vous la donne, moi, je suis bien certaine qu’elle ne fera pas la moindre difficulté.
Fausta tourna vers Léonora son sourire qui s’était fait aigu. Mais la maréchale confirma simplement :
– Assurément non, madame. Moi non plus, je n’ai rien à refuser à la signora.
– Là ! qu’est-ce que je vous disais… triompha la reine.
– A une condition, toutefois, ajouta Léonora.
« Ah ! ah ! songea Fausta, je me disais aussi que les choses marchaient trop bien, trop facilement !… »
– Fi ! Léonora, se récria la reine, tu devrais avoir honte de poser des conditions.
– Madame, sourit Léonora, la condition que je veux poser est tout ce qu’il y a de plus naturel et de plus juste.
– Voyons cette condition si naturelle et si juste, dit Fausta avec un imperceptible froncement de sourcils.
– C’est que Florence consentira à vous suivre, répondit Léonora avec son plus gracieux sourire.
– Mais cela va de soi ! s’écria la reine avec une pointe d’impatience et en lançant à Léonora un coup d’œil réprobateur.
– La condition est en effet juste et naturelle, reconnut Fausta. Il n’est jamais entré dans ma pensée de faire violence à cette jeune fille. Je veux bien m’intéresser à elle avec son assentiment, mais non malgré elle. N’importe, Léonora a raison ; avant de décider, il convient de la consulter.
– Voilà bien des manières ! Si elle n’est pas la dernière des sottes, cette petite sera trop heureuse de vous suivre, affirma la reine d’un air très convaincu.
– Elle est loin d’être sotte et je suis à peu près sûre qu’elle ne se fera pas prier, appuya Léonora avec un sourire énigmatique.
– Je l’espère pour elle, sourit Fausta avec confiance.
– Princesse, proposa Marie de Médicis, voulez-vous que je fasse appeler cette petite et que nous réglions cette affaire séance tenante ? Vous pourrez ainsi l’emmener en vous retirant.
– J’allais vous le demander, madame, et je ne saurais trop vous remercier de votre bonne grâce.
– Vous n’y pensez pas,
cara mia !
Cette affaire est si minime qu’elle ne vaut même pas un remerciement.
En disant ces mots avec un naturel si parfait que Fausta en fut encore dupe, la reine frappait sur un timbre. Et à la personne qui se présenta, elle commanda :
– Voyez dans l’appartement de M me d’Ancre. Vous y trouverez une jeune fille. Amenez-la ici.
Fausta aurait dû triompher. Cependant, malgré le calme et l’assurance qu’elle montrait, elle était inquiète. Cette inquiétude lui venait de la trop grande facilité avec laquelle elle obtenait une chose qu’elle n’espérait pas obtenir sans une lutte acharnée. Ce n’était pas Marie de Médicis qui l’inquiétait : elle
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