La Fin de Fausta
Et votre mère sera perdue, irrémissiblement perdue.
– Cependant, madame, insinua Florence effrayée, si je refuse de la suivre ? La reine, il me semble, ne pourra m’y contraindre.
– Assurément non, dit Léonora qui sourit en voyant qu’elle venait d’elle-même là où elle avait voulu l’amener. M me de Sorrientès elle-même, si vous refusez de la suivre, se verra forcée de s’incliner devant votre volonté nettement exprimée. J’ai voulu vous prévenir. C’est fait. A vous de décider si vous voulez perdre votre mère en suivant M me de Sorrientès ou la sauver en restant chez moi.
– Mon choix est tout fait, madame, et je demanderai à rester avec vous, puisque vous voulez bien le permettre.
– En ce cas, tenez-vous prête. On viendra vous chercher dans un instant.
Et Léonora ayant obtenu ce qu’elle voulait, se dirigea aussitôt vers la porte qu’elle ouvrit. Avant de franchir le seuil, elle se retourna, et avec une indifférence apparente :
– N’oubliez pas que s’il vous plaît de changer d’avis, vous êtes entièrement libre.
En disant cela de son air le plus détaché, elle la fouillait de son œil de feu. Florence, qui n’avait pas été dupe de sa manœuvre, comprit qu’elle désirait emporter une assurance formelle de sa décision. Elle la rassura :
– A moins qu’on ne m’y contraigne par la force, je ne suivrai pas M me de Sorrientès, dit-elle avec toute l’énergie dont elle était capable.
Léonora sourit : elle était sûre, maintenant, qu’elle pouvait compter sur elle. Elle lui fit un signe de tête bienveillant et sortit.
Seule, Florence resta debout, les bras appuyés au dossier du fauteuil. Et, l’œil perdu dans le vague, elle demeura un long moment rêveuse, réfléchissant profondément. Elle repassait dans son esprit le bref entretien qu’elle venait d’avoir avec Léonora. Et elle n’eut pas de peine à rétablir la vérité.
« C’est ma mère qui me l’a envoyée, c’est certain », songeait-elle.
Et avec un soupir :
« Pauvre mère, que de mal elle se donne et à quelles ruses compliquées, et pourtant si transparentes pour moi, elle se voit contrainte de recourir pour me cacher une chose que je sais si bien ! Que ne se confie-t-elle à moi ! Comme j’aurais vite fait de la tranquilliser !… Mais elle ne peut parler, elle ne peut se confier à moi qu’elle ne connaît pas, hélas ! Elle est reine… et c’est de là que vient tout le mal ! Que n’est-elle une bonne petite bourgeoise !… Mais elle est reine !… Elle est reine et la voilà menacée, à cause de moi, dans son honneur ! Il est certain qu’il vaudrait mieux pour elle que je fusse morte ! Oui, ma mort seule pourrait la délivrer des inexprimables angoisses dans lesquelles elle se débat. Et pourtant elle ne m’a pas condamnée. Et tout, dans sa conduite, me prouve qu’elle s’efforce de me sauver. Pourquoi agit-elle ainsi, si ce n’est parce que, au fond, tout au fond de son cœur, elle garde un peu de tendresse pour l’enfant qu’elle a dû abandonner autrefois et qu’elle ne pourra jamais reconnaître… parce qu’elle est reine. Ah ! ce n’est pas cette reconnaissance que j’attends d’elle. Tout ce que j’attends d’elle, c’est qu’elle me dise un jour, fût-ce d’une manière détournée, qu’elle me garde une petite place dans son cœur. Et je commence à croire maintenant que ce jour bienheureux luira tôt ou tard pour moi. »
Pendant qu’elle s’illusionnait ainsi, Léonora revenait près de Marie de Médicis et, voyant sa mine inquiète, se hâtait de la rassurer :
– Je vous l’avais bien dit. Elle est venue d’elle-même au-devant de mes désirs : elle est très intelligente et saisit tout à demi-mot. Elle refusera de suivre la signora, soyez sans inquiétude, madame.
– Ah ! Léonora, toutes ces secousses finiront par me tuer, gémit Marie de Médicis.
– Il faut réagir, gronda Léonora avec une certaine rudesse, vous vous laissez trop aller. Et que devrais-je dire, moi ! Voici Concini en pleine disgrâce. Aujourd’hui, le roi n’a pas trouvé assez d’affronts à lui infliger en public. Notre situation est sinon perdue, du moins fortement compromise. Et cependant, vous le voyez, j’oublie nos affaires pour m’occuper avant tout des vôtres. Et je ne me plains pas. Surtout, je ne perds pas la tête, comme vous le faites.
– Tout le monde n’a pas ton énergie
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