La Flèche noire
lune ; mais, malgré cela, Dick marchait avec précautions, se glissant d’un tronc à l’autre, attentif à regarder autour de lui à mesure qu’il avançait. Soudain, un cerf passa comme une ombre à travers le sous-bois devant lui, et il s’arrêta contrarié. Cette partie du bois était certainement déserte, mais cette bête était un messager qu’il envoyait devant lui pour annoncer sa venue ; au lieu de continuer, il se tourna vers le plus proche grand arbre et y grimpa rapidement.
Le hasard le servit bien. Le chêne sur lequel il avait monté était un des plus élevés de cette partie du bois et dépassait ceux qui l’entouraient d’au moins une toise et demie, et, quand Dick eut grimpé sur la plus haute branche fourchue et s’y cramponna, vertigineusement balancé dans le grand vent, il vit derrière lui toute la plaine marécageuse jusqu’à Kettley avec la Till courant parmi les îlots boisés et, devant lui, la ligne blanche, de la grande route serpentant à travers la forêt. Le bateau avait été redressé ; – il était même à ce moment au-dessus du gué. Àpart cela, il n’y avait aucune trace d’homme ni même aucun mouvement que celui des branches sous le vent. Il allait descendre quand, jetant un dernier coup d’œil, il aperçut une ligne de points se mouvant à peu près au milieu des marais. Évidemment une petite troupe suivait la chaussée, et d’un bon pas ; cela lui donna à penser ; il descendit rapidement le long du tronc et rejoignit son camarade à travers le bois.
CHAPITRE IV
LES COMPAGNONS DE LA FORÊT
Matcham était restauré et bien reposé. Ce que Dick venait de voir donnait des ailes aux jeunes gens. Ils franchirent cette partie de bois, traversèrent la route sans encombre et se mirent à gravir les terrains plus élevés de la forêt de Tunstall. Les arbres étaient de plus en plus en bouquets avec des landes roussâtres, couvertes d’ajoncs et, çà et là, de vieux ifs. Le terrain était de plus en plus inégal, avec des trous et des monticules. Et, à chaque pas de leur ascension, le vent soufflait et sifflait de plus en plus fort et les arbres se courbaient devant les rafales comme des cannes à pêche.
Ils venaient d’entrer dans une de ces clairières quand, tout d’un coup, Dick s’aplatit face contre terre parmi les ronces et se mit à ramper doucement en arrière, cherchant l’abri d’un bouquet d’arbres. Matcham, très étonné, car il ne voyait pas la raison de cette fuite, l’imita cependant ; ce ne fut que lorsqu’ils eurent atteint le refuge d’un fourré qu’il se tourna vers son compagnon et lui demanda sa raison.
Pour toute réponse Dick montra du doigt.
À l’autre bout de la clairière un sapin s’élevait bien au-dessus du bois environnant et dressait dans le ciel la masse noire de son feuillage. Jusqu’à cinquante pieds au-dessus du sol, le tronc était droit et solide comme une colonne. À cette hauteur, il se divisait en deux rameaux massifs, et, dans la fourche, comme un matelot dans un mat, était un homme vêtu d’une cotte d’armes verte, épiant de tous côtés. Le soleil brillait sur ses cheveux ; d’une main, il s’abritait les yeux pour voir de loin, et il tournait doucement la tête d’un côté à l’autre avec la régularité d’une machine.
Les jeunes gens se regardèrent.
– Essayons à gauche, dit Dick. Nous avons failli mal tomber, Jack.
Dix minutes après, ils arrivèrent à un sentier battu.
– Voici un endroit de la forêt que je ne connais pas, remarqua Dick. Où peut mener ce chemin ?
– Essayons tout de même, dit Matcham.
Quelques mètres plus loin, le sentier conduisait au haut d’une arête, puis, par une raide descente, dans un vallon creux en forme de coupe. Au pied, émergeant d’une épaisse ramure d’aubépines fleuries, deux ou trois pignons sans toits, noircis comme par le feu et une seule grande cheminée marquaient les ruines d’une maison.
– Qu’est-ce que cela peut être ? dit Matcham.
– Vrai, par la messe, je n’en sais rien, répondit Dick. Je suis tout désorienté. Avançons prudemment.
Avec des battements de cœur, ils descendirent à travers les aubépines. Çà et là ils virent des signes de culture récente ; des arbres fruitiers et des plantes potagères étaient devenus sauvages dans le fourré ; un cadran solaire était tombé dans l’herbe ; ils marchaient sans doute dans un ancien jardin. Encore
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