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La Flèche noire

La Flèche noire

Titel: La Flèche noire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Louis Stevenson
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beaucoup de ces dîners-là, mais le difficile, c’est de les cuire, brave maître Ellis. Et, pendant ce temps, que faisons-nous   ? Nous faisons des flèches, nous faisons des vers et nous buvons de l’eau pure et fraîche, cette boisson malsaine.
    – Ce n’est pas vrai, Will Lawless. Vous vous ressentez de l’office de frère gris   ; l’avidité sera votre perte, répondit Ellis. Nous avons pris vingt livres à Appleyard. Nous eûmes sept marks du messager la nuit dernière. Il n’y a qu’un jour, nous en avons eu cinquante du marchand.
    – Et aujourd’hui, dit l’un des hommes, j’ai arrêté un gros marchand d’indulgences qui se dirigeait vers Holywood en grande hâte. Voici sa bourse.
    Ellis en compta le contenu.
    – Une centaine de shillings   ! grommela-t-il. Imbécile, il en avait bien plus dans ses sandales, ou cousus dans sa palatine. Vous êtes un enfant, Tom Cuckow   ; vous avez laissé échapper la proie.
    Malgré cela Ellis empocha nonchalamment la bourse.
    Il était debout, appuyé sur son épieu, et regardait autour de lui les autres. Ceux-ci, avec des attitudes diverses, prenaient gloutonnement un potage de venaison et le délayaient copieusement avec de l’ale. C’était un bon jour, ils étaient en veine   ; mais les affaires pressaient et ils mangeaient rapidement. Les premiers venus avaient dépêché leur repas. Quelques-uns s’étendirent sur l’herbe et s’endormirent immédiatement comme des boas   ; d’autres causaient ou examinaient leurs armes, l’un, dont l’humeur était particulièrement gaie, tendit une corne de bière et se mit à chanter.
    Il n’y a pas de lois dans la bonne forêt verte,
    Ici on ne manque pas de vivres,
    C’est joyeux, tranquille, avec du gibier pour notre ordinaire.
    En été tout est doux.
    Vienne l’hiver avec le vent et la pluie,
    Vienne l’hiver avec la neige et les frimas,
    Rentrez chez vous le capuchon sur la figure,
    Et mangez au coin du feu.
    Pendant tout ce temps, les deux jeunes gens avaient écouté, serrés l’un contre l’autre   ; Richard avait seulement détaché son arc et tenait tout prêt le grappin dont il se servait pour le bander. Ils n’avaient pas osé bouger et cette scène de vie en forêt s’était déroulée sous leurs yeux comme une scène de théâtre. Mais voici que le spectacle changea d’une façon singulière. La grande cheminée qui dominait les ruines s’élevait juste au-dessus de leur cachette. Il y eut un sifflement dans l’air, puis un bruit sonore et les fragments d’une flèche tombèrent près d’eux. Quelqu’un d’un endroit plus élevé du bois, peut-être la sentinelle qu’ils avaient vue postée dans l’if, avait lancé une flèche sur le haut de la cheminée.
    Matcham ne put retenir un petit cri qu’il étouffa aussitôt, et Dick, surpris, lâcha le grappin. Mais pour les hommes de la prairie, ce trait était un signal attendu. Ils furent tous sur pied à l’instant, rajustant leurs ceintures, essayant la corde de leurs arcs, faisant jouer leurs épées et dagues dans les fourreaux. Ellis leva la main, sa figure avait pris tout à coup un air de sauvage énergie   ; le blanc de ses yeux brillait dans sa face basanée.
    – Camarades, dit-il, vous connaissez vos postes. Que pas une âme ne vous échappe. Appleyard était un stimulant avant dîner   ; mais à présent à table. Il y a trois hommes que je vengerai amèrement   : Harry Shelton, Simon Malmesbury, et – frappant sur sa vaste poitrine – et Ellis Duckworth, par la messe   !
    Un homme arriva, rouge de la course, à travers les buissons.
    – Ce n’est pas Sir Daniel, dit-il tout essoufflé. Ils ne sont que sept. La flèche a-t-elle touché   ?
    – Elle a frappé à l’instant, répliqua Ellis.
    – La peste   ! dit le messager. Il me semblait l’avoir entendue siffler. Et je m’en vais sans dîner.
    En une minute, les uns courant, d’autres marchant vite, selon l’éloignement de leurs postes, les compagnons de la Flèche-Noire avaient tous disparu du voisinage de la maison en ruines   ; le chaudron, le feu, qui à présent était bas, et la carcasse du daim sur l’aubépine restèrent seuls pour témoigner qu’ils avaient été là.

CHAPITRE V

SANGUINAIRE COMME UN CHASSEUR
    Les jeunes gens restèrent immobiles jusqu’à ce que le dernier bruit de pas se fût dissous dans celui du vent. Ils se levèrent alors, tout courbaturés, car la longue contrainte les avait fatigués,

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